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Magazine mensuel de dialogue culturel | Depuis 2001 • No 39 • Montréal • 15.11.2007 |
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![]() Bleu de lune et soleil d'or Perreau et La Plume : dans l’amour de la vie Par Lucie Poirier Journaliste-analyste Illustré dans le style graphzine par Sébatien Leblanc, Perreau et
La Plume représente pour son auteur l’occasion de se concentrer sur
les mots en exprimant l’importance de l’amour, le monde des sensations, la
valeur de la liberté. D’emblée, Yann Perreau trouble avec la franchise de ses confidences,
charme avec la symbolique de la lumière, plaît avec la puissance de son
érotisme, convainc avec sa conscience planétaire (festival du film
africain et créole, Vues d'Afrique). L’image de la lumière nocturne traverse ses poèmes, chansons et textes
choisis, qu’elle soit diffusée par les étoiles, la lune, une chandelle,
les flammes d’une maison qui brûle. La nuit, il vit l’intensité de ses
pulsions et l’incitation à la contemplation. Je lui ai demandé si c’est à cause de l’assonance qu’il fait autant
allusion à Pierrot et la lune , ainsi, dans le titre de son
spectacle, Perreau et la lune et dans le titre de son livre
Perreau et La Plume; il m’a répondu : « C’est un clin d’œil
surtout pour la lune. C’est un astre mystique, réel et onirique. La lune
est un objet de désir. » Alors que nous parlions de l’écriture de cet ouvrage, il m’a
précisé : « J’écris depuis que j’ai 15-16 ans. J’en ai fait une
heureuse habitude. La différence avec la chanson où je suis plus concis,
plus mathématique, où je dois synthétiser, c’est que dans la prose, la
poésie et la nouvelle, j’ai plus de liberté ». Sa liberté se déploie entre autres, avec les identités qu’il se
donne: il est marin solitaire, cow-boy romantique, indépendantiste
absolu, matelot fou, artiste de cirque, défenseur écologique. Elle
s’actualise aussi dans sa forme poétique : il procède avec la rime
croisée, embrassée, le vers libre, le calligramme. De plus, elle
caractérise sa thématique alors que ses préoccupations socio-politiques
côtoient ses souvenirs amoureux. Il nous amène dans le boulot quotidien, l’aventure sexuelle, le
parcours touristique mais aussi dans la promenade rêveuse, le fantasme
drôle, l’idéal planétaire, en maintenant l’évidence d’un souci rhétorique.
Il sait travailler son dernier vers pour saisir, toucher, bouleverser;
loin de l’immédiateté et de la brièveté, la plume de Perreau est élaborée
et achevée. Il réfléchit aux rencontres éphémères, transforme le dénouement du
Petit Chaperon Debbie et aspire à la sagesse de l’âme. Dans la narration anecdotique de sa prose vive, captivante, excitante,
il partage les péripéties souvent loufoques (le permis de conduire
d’Elvis, l’orangeade renversée en faisant le joli cœur), parfois graves (
la réaction violente de l’impulsif Momo, l’insolation dans le Grand
Canyon), de son premier « road trip » dans l’ouest américain où
son sourire angélique et sexy lui attira des faveurs. Les paroles de ses chansons sont toujours précédées d’une
contextualisation de la création, d’un commentaire sur la signification,
d’une critique sur le « show-baiseness », d’une citation d’un
romancier ou d’un activiste. Il transmet sa certitude de la beauté de la vie, malgré la guerre, la
pauvreté et la douleur, avec des incitations à planer dans l’élan des
sentiments. Il a passé des nuits avec des clochards, voyagé en
Amérique, en Europe, s’est offert corps et cœur à sa Ginie, a aimé comme
un fou une déesse qui l’a quitté pour se prostituer, a toujours eu une
frénétique envie de savourer une femme avec douceur et
excès. Perreau déclare : « De ta cage t’es l’geôlier », il
métaphorise : « j’me promène dans les rues d’ma tête », il
déplore : « l’arbre est un porte-poussière » et il
conseille : « Là où y’a le cœur, crois-moi, tout est
permis ». Que voudrait-il qu’on retienne de son livre? : « Que c’est un
bel objet humain, à la fois dans le coté sombre et le coté lumineux, le
plus entier possible, m’a t-il dit. J’aime exploiter toute les émotions
humaines : colère , joie, érotisme, politique, j’essaie d’être le
plus global possible. » Perreau est diversement talentueux, extrêmement séduisant, puissamment
impressionnant : sa lucidité n’entame pas son amour de la vie qu’il
transmet avec sincérité, conviction et abondance. Dans l’attente de son disque Perreau et la lune live au
Quat’Sous qui paraîtra en 2008, le jeudi 29 novembre de 17h à 19h,
Yann Perreau sera au bar Le Sacrilège pour le lancement de son livre à
Québec, 447 rue St-Jean. Yann Perreau : Perreau et La Plume Chansons poésie et textes choisis. VLB 2007 192 p. ![]() T.F. Rigelhof – Dérives du sacré Un incontournable de la littérature canadienne contemporaine par Felicia Mihali J’ai lu le livre de T.F. Rigelhof Nothing Sacred : A Journey Beyond Belief, paru en anglais en 2004, dans la traduction française publiée cette année 2007 par la Pleine lune sous le nom Dérives du sacré. Après quelques pages, ma première pensée s’est dirigée vers le livre de Noah Richler, This is my country. What’s yours? où le nom de ce professeur qui enseigne l’histoire des religions au Collège Dawson de Montréal ne figure pas et je trouve cela bien dommage. Après que Margaret Atwood se soit proposée, dans son livre Survival, de parler du Canada à travers sa littérature, Richler continue bien cet exploit de voyager à travers la géolittérature canadienne. Et c’est le motif pour lequel un auteur comme Rigelhof ne peut manquer à une telle anthologie. Je ne vous parle de son essai A Blue Boy in a Black Dress, finaliste du Prix du Gouverneur Général, mais de son plus recent volume de mémoires Dérives du sacré qui tout en reprenant les thèmes de l’essai va plus loin dans la description des tribulations d’un jeune homme entre Dieu et littérature. D’une certaine manière, l’autobiographie de Rigelhof peut être considérée comme la variante canadienne du roman The portrait of the artist, de James Joyce: sur des voies différentes, les deux arrivent à la conclusion que ce que Dieu ne peut faire, la littérature le peut bien. J’ai été émerveillée par ce livre et je l’ai lu avec la passion qu’on met à la lecture d’un roman d’aventures. Car les tribulations qui font la vie du personnage, en même temps que les transformations spirituelles du pays et du monde, vue à travers la foi catholique sont vraiment une grande aventure. Dérives du sacré est un livre document qui lève un peu le voile sur le mystère du fait que « Les religions passent mais la religion sous une forme ou une autre est toujours présente » Né à Regina dans une famille d’immigrants allemands fuyant la Russie, le jeune Terry commence son aventure spirituelle au milieu du XXe siècle, dans un mélange d’atmosphère d’après-guerre, de libération sexuelle, de boom économique, d’illumination et de désenchantement quant à son choix de devenir prêtre. L’expérience des séminaires théologiques, la rigueur d’une éducation militarisée le conduisent presque au suicide et à la perte complète de la foi. Son chemin est parsemé de l’aventure canadienne qui inclut l’histoire de sa famille venant d’une colonie allemande du bord de la Volga, le concile Vatican II, les portraits inoubliables des religieux, et de toutes les lectures qui ont eu une influence capitale sur la formation de Terry comme artiste et penseur. Il n’y a pas plus que cela à raconter, car chaque ligne est un document qu’on doit parcourir le crayon à la main. Dérives du sacré est un incontournable de la littérature canadienne contemporaine. ![]() Yves Alavo – Bleu de ciel et Soleil d’or Fonction publique et poésie par Felicia Mihali J’ai connu Yves Alavo pour la première fois au Festival Eurofest, organisé par l’Association Rocade au printemps 2007. Depuis, je me suis habituée à toujours le voir parmi le public qui s’intéressait à la culture de ce coin de monde et plus spécifiquement à la culture roumaine. Je ne me suis pas empressée de faire sa connaissance, sachant qu’il travaille pour une direction quelconque à la Ville de Montréal. Je n’aime pas les fonctionnaires. Vu ma longue expérience avec les fonctionnaires roumains, pour moi un fonctionnaire est quelqu’un qui vous refuse et qui, de plus, prend plaisir à vous dire Non. Pour l’événement de cet automne, organisé encore une fois par Rocade, un mini-festival de film et musique de Roumanie nommé Interférences, j’ai revu Yves. Si Interférences s’est proposé de faire des ponts et des liens entre cultures et pays différents, la fidélité d’Yves prouve qu’il a bien réussi. Par sa présence, Yves contredit l’idée qu’on se fait d’un fonctionnaire : il est plutôt quelqu’un qui vous dit Oui avec grâce, toujours de bonne humeur, souriant, essayant de mettre sur votre visage votre vrai nom, avec la bonne prononciation de plus. Son assiduité au sein du public nous montre combien les préjugés concernant les petits pays et les petites cultures tendent à s’effacer. Ces derniers temps, on assiste à une ouverture concernant l’identité et la spécificité des autres, ce qui est réjouissant. Concernant la biographie d’Yves, elle est extrêmement riche. Originaire du Sénégal, il a commencé dans son pays par des études en philosophie, pour y enseigner un certain temps le français, l’anglais et même la religion. Après un séjour à Paris, où il a continué ses études en philosophie, en théologie et en sciences de l’éducation, il arrive au Québec, où il fait des études en journalisme. Par la suite, pendant six ans il enseigne aux journalistes de Radio-Canada dans le cadre du programme appelé Journalisme en démocratie. Yves est aussi membre fondateur du festival du film créole, Vues d’Afrique qui occupe une place importante dans le paysage culturel montréalais. Cela dit, quel est donc le lien avec la poésie, car Yves Alavo vient de publier chez Christian Feuillette son premier recueil de poèmes, Bleu de lune et Soleil d’or? Quand je lui ai soumis la question, il m’a donné la réponse à laquelle je pensais et j’aspirais secrètement. L’écriture ne commence pas à un moment donné, l’écriture existe en nous depuis toujours, depuis la petite enfance même, lorsqu’on fait nos premiers essais de création, des essais qu’on oublie par la suite, mais qui d’une certaine manière se retrouve plus tard dans nos pensées les plus profondes. Les poèmes qu’on trouve dans ce premier recueil ont eu une longue gestation, car ils ont été écrits pour la plupart entre 1985 et 2006. Il ne s’agit donc pas d’un accident, mais de quelque chose qui vient de très loin. Dans ses tiroirs, il a ramassé plus de vingt-cinq cahiers avec des textes produits pendant ses longs voyages à travers le monde, des romans en ébauche, des scénarios et des pièces de théâtre qui attendent encore le temps pour qu’il se mette au travail et qu’il leur donne la forme finale. Et pourquoi a-t-il donc choisi plutôt la poésie pour débuter? Sa réponse est que la poésie est plus expressive, c’est le moyen le plus approprié pour exprimer des sentiments à l’état pur. Ses poèmes surprennent par leur musicalité, mais cela n’a rien de surprenant : dans la tradition africaine, dont Yves est aussi le porteur, la poésie est en lien étroit avec la musique, la parole est de la musique. Je le cite : “ Le lieu où la musique rencontre la parole c’est le lieu où le nouveau peut se produire. ” Or on sait que chaque auteur rêve de ce lieu privilégié de la nouveauté, le lieu où résident les choses qui n’ont pas encore été dites. Son livre porte le nom des deux volets contenus à l’intérieur et qui s’appellent donc Bleu de Lune et Soleil d’or. Le titre en dit long sur le style et l’imagerie de sa poésie, qui est extrêmement visuelle et très sensitive. Ses poèmes laissent tous les sens parler, à partir du regard, jusqu’au toucher. Ses vers sont hybridés par beaucoup d’influences et de styles. Par exemple, il ne sera pas difficile de reconnaître dans certains des traces de haïku. À chaque vers on a l’impression qu’au lieu de parler, il peint. Le deuxième volet porte encore plus la marque de sa personnalité. Ses poèmes sont empreints de générosité, de bonté et d’ouverture. Ce genre de poésie a laissé la révolte se calmer, même lorsqu’il parle du souvenir de l’esclavagisme, du colonialisme. Yves fait partie de la nouvelle génération d’auteurs qui, sans avoir oublié les trajets des bateaux chargés d’esclaves vers l’Amérique et l’Europe en provenance de l’île de Gorée, essaient de parler autrement de ce passé. La réconciliation n’implique pas l’oubli, mais la réinterprétation des faits et la réconciliation avec le passé. Les poèmes de la deuxième partie du livre sont ancrés dans le passé spirituel de son continent, avec ses drames passés et actuels. Sa poésie est locale, mais en même temps transcontinentale, elle se nourrit de l’Afrique, mais aussi de l’Europe et du Québec. Gary Victor – un sorcier du récit par Felicia Mihali Dans la préface de son dernier livre publié au Québec, Alain Mabanckou disait que la réputation précède toujours Gary Victor, un des auteurs haïtiens les plus lus au monde. Ce n’est pas pour cette raison que j’ai lu ce recueil de Treize nouvelles vaudou, publié par Mémoire d’encrier à l’automne 2007, mais parce que je ne crois pas au vaudou, et je m’étonnais que quelqu’un puisse même en écrire treize histoires. Après avoir lu la dernière nouvelle, je ne suis pas devenue plus confiante dans cet art sorcier, mais je suis devenu une adepte convaincue de Gary Victor. Je crois surtout dans son pouvoir magique de faire vivre des personnages qui croient au vaudou, dans un pays où la violence et la pauvreté incitent les gens à se fier plutôt aux forces du ciel et des mauvais esprits qu’à la nature humaine. Malgré le côté surnaturel du livre, les héros des histoires sont véritablement des êtres en chair et en os dont la vie verse brusquement dans des archétypes qui dépassent le quotidien. La tradition, les croyances anciennes font surface dans un pays déchiré par des conflits sanglants, des conflits qui estompent même le souvenir des affres du colonialisme français. C’est Danny Laferrière, un autre Haïtien célèbre, qui racontait qu’à chaque fois qu’il va en France il dit à son audience française : « Vous ne me devez plus rien ». Gary nous fait découvrir un Haïti qui exerce une grande attraction pour les étrangers qui, incapables de toucher aux tabous de leur propre pays, embarquent dans les idéaux des autres. Voilà ce qu’on lit dans la nouvelle intitulée Une heure dix-sept : « Brad était de ces étrangers qui se sentaient mal dans leur peau chez eux et qui cherchaient un autre lieu où leur mal-être pourrait se dissoudre dans une sorte d’engagement pseudo révolutionnaire… Il aimait l’opiniâtreté des Haïtiens de se battre continuellement contre les dictatures même s’il ne comprenait pas, ou ne voulait pas comprendre, pourquoi ces mêmes gens, qui descendaient dans les rues pour dire non à l’oppression, s’empressaient avec autant d’énergie à se choisir un autre débile comme dirigeant. » Reconnaissez que cela fait une bonne alliance avec l’art de la sorcellerie. Ce qui m’a étonnée chez Gary est son pouvoir de tenir l’attention du lecteur en état de veille permanent sachant que chaque nouvelle a une fin tout à fait prévisible. C’est comme si on lisait un roman policier, sachant dès le début le dénouement. Justement. Gary est un sorcier du récit, du suspense et de la retenue. Son livre est vraiment un régal. Gary Victor Felicia Mihali Parfum de poussière, de Rawi Hage Chanson de guerre Il est difficile d’écrire sur un livre qui ne mérite que
des louanges. Ce n’est pas que ces derniers temps on lit peu de livres
traitant de la guerre : bien au contraire. Toutefois, il est rare que
la violence et la cruauté dans laquelle grandissent les enfants soient
aussi poignantes que dans le premier roman de Rawi Hage, Parfum de
Poussière, publié par la maison d’édition Alto, traduit de la
version originale De Niro’s Game par Sophie Vaillot.
C’est bien le cas de George et Bassam, deux adolescents
qui grandissent et qui vivent côte à côte les horreurs de la guerre civile
du Liban. Une guerre qui n’empêche pas les gens de s’aimer et de se haïr,
de rêver, de bien manger, d’écouter de la musique et de faire la fête. Ce
qui règne dans ce chaos est le mal que les proches s’infligent. Pour un
démêlé d’argent, George envoie quelqu’un tabasser Bassam et de plus il lui
prend sa bien-aimée Rana. Ces découvertes changent à tout jamais Bassam à
qui la guerre aiguise le sens du danger et de la survie. Dans la ville de
Beyrouth, déchirée par le conflit entre chrétiens et musulmans, par la
présence des Palestiniens et des Syriens et, finalement, par
l’intervention d’Israël, il vit jour et nuit sur le qui-vive. Dorénavant
il fait partie de la caste des guerriers antiques enterrés sous les
décombres de cette ancienne ville romaine, de ceux qui dorment avec le
danger comme coussin, qui réagissent vite à la moindre menace, qui sortent
le pistolet et tirent pour qu’on ne leur tire pas dessus. Aucun sentiment
ne tient devant la mort, sinon le respect. Bassam, il peut se dispenser de
tout mais non de respect. Pour cela, la trahison de Georges et son
adhésion à des camps adverses, ainsi que sa dépendance à la drogue,
alimentent son désir de partir, de quitter ce pays où les jeunes savent
qu’il n’y a plus rien pour eux. La France, le Canada, l’Italie, n’importe
quelle terre peut leur offrir un meilleur accueil. Les parents sont morts,
les maisons en ruine, les amis sont des traitres. Il n’y a rien à
regretter, sinon à craindre. Malheureusement, une fois parti on découvre
très tôt que où qu’on aille, la guerre vous suivra partout :
« Les chambres de tortures sont en nous » dit Georges lors de
leur dernière rencontre. Les femmes se font partout maltraitées, en tant
que simple objet du pouvoir de l’homme. De la drogue, de l’espionnage,
aucune ville du monde n’échappe à ces pièges. Même à Paris, Bassam doit
continuer sa carrière de gangster. Rhéa, la demi-sœur de George ne vit pas
sous les bombes, toutefois sa vie n’est pas plus dépourvue de soucis et
des yeux en cocarde. À Paris comme à Beyrouth, Bassam ne peut renoncer à
son pistolet. La plus grande qualité de ce roman est de ne porter aucun jugement moral sur la vie de ces petits gangsters des ruines qui volent, tuent, mentent et font la fête à côté des cadavres. Ils pleurent plus la mort d’une fillette inconnue, le corps déchiqueté par une bombe dans la rue, que celle de leur propre mère. On a souvent l’impression qu’on lit le récit de quelques êtres déshumanisés : toutefois, le livre de Rawi Hage nous rappelle que lorsque ces mêmes individus sont au plus bas, rien ne peut leur enlever le désir de faire de leur mieux pour sauver les autres, malgré tout. Felicia Mihali L’enfance et la guerre perpétuelle Cochon d’Allemand, de Knut Romer Combien douce est l’enfance même lorsqu’elle est affreuse! Combien
captivante est l’histoire de chaque individu, même lorsque sa vie est
bouleversée par une guerre qui n’en finit plus. Tel est le cas de la mère
du petit Knut, une Allemande qui décide venir vivre dans une petite ville
de Norvège. Son existence sera une guerre sans fin et sans trêve qu’elle
mènera à sa façon pour l’amour de celui qui est arrivé pour la sauver et
pour donner un peu de beauté à sa jeunesse gaspillée en fuites et
cachettes. Le petit enfant de l’histoire s’appelle Knut, ce qui fait
penser que Cochon d’Allemand est un roman autobiographique. Peu importe.
Les histoires que Knut Romer raconte ont la brièveté et l’intensité des
romans policiers; on les lit à bout de souffle sachant qu’elles auront
toutes le même dénouement: la mort, le désespoir, la déchéance, parfois la
folie. Le petit Knut traverse un siècle où tout le monde est dans
l’attente d’autre chose, où chacun semble fait pour autre chose.
Grand-père paternel échoue dans ses innombrables essais pour accueillir le
progrès, progrès qui arrive toujours trop tard pour ceux qui le
prophétisent. Grand-mère paternelle est épuisée par les efforts pour
arriver à nourrir ses enfants, alors que son mari s’épuise dans des
entreprises infructueuses. Grand-père Schneider, le grand-père maternel,
sévère et autoritaire, meurt après la guerre, lorsque les choses
semblaient bien tourner pour lui et sa famille. Grand-mère maternelle
vivra le visage couvert à cause des terribles brulures provoquées par
l’explosion d’une bombe. Tout autour, il y a une faune extrêmement
bigarrée de tantes, oncles, cousins, eux aussi avec leurs histoires, leurs
échecs, leur haine. Par-dessous tout, il y a la mère, la magnifique Hilde,
qui refuse d’avoir honte d’être Allemande, qui refuse de se laisser
abattre par la haine des anciennes victimes. Elle porte la tête haute le
fardeau de la faute nationale et identitaire. De son côté, son fils, le
petit Knut forge sa vie à lui, en manque de l’amitié de ses pairs,
s’isolant dans ses petits loisirs et à l’écoute de Radio Luxembourg.
Cochon d’Allemand est un ravissant livre sur l’enfance avec ses horreurs et son pouvoir renouvelé de passer à travers. C’est un livre sur une Europe déchirée par la guerre et par les conflits ultérieurs, générés par l’esprit de vengeance des victimes et par leur refus de pardonner. Un livre écrit dans un style aussi fluide que les temps qui courent et qui portent en eux la trace de ce que nos grands-parents et parents ont vécu il n’y a pas longtemps. Felicia Mihali Le désert de l’âme The Desert Lake de Linda Leith Il semble que chaque Occidental à sa Chine à lui : ce pays multiforme retourne à chaque voyageur une image inusitée de soi-même, de ses pertes, de ses interrogations. On puise parfois dans le mystère de Chine ce qu’on ne trouve pas ailleurs, et d’autant moins dans les pays où l’on vit. Cela est bien le cas de Barbara Crossie, l’héroïne du roman The Desert Lake, de Linda Leith, publié par Signature Editions, disponible pour le moment uniquement en anglais. Une jeune écrivaine Montréalaise répond à l’invitation d’un ami de visiter la Chine à condition que son agent et amoureux l’accompagne. Rien d’inusité, si Josh avait été au rendez-vous dans l’hôtel de Beijing. Son absence inattendue plonge Barbara dans une véritable détresse qui la fait se tourner contre ceux qui l’entourent et qui ont l’aire de ne pas comprendre son état d’âme. Au font, ses amis Harry et Joie sont venus voir leur Chine à eux, rappelés par les souvenirs d’un passé troublant et douloureux. Que vaut les peines d’amour d’une belle femme comparativement aux souvenirs de Joie qui a vu son mari périr lors de la Révolution culturelle, incapable de lui porter secours vu les lois en vigueur concernant les étrangers? Barbara est plus malheureuse de ce malentendu, et elle se résigne mal que le passé des autres pourrait peser plus lourdement dans la balance de la souffrance humaine. Finalement, que deviennent les drames personnels reflétés dans ce miroir agrandissant qui est l’Empire du Milieu? Comment la détresse d’un individu change la perception d’un nouveau pays, et comment ce pays même va contribuer à quérir son âme? Comment un individu apprend-t-il à cesser de se mettre au centre de l’univers pour se tourner vers ceux qui l’entourent et y chercher du réconfort ? The Desert Lake est un livre sur le réveil à la réalité des autres. L’héroïne commence à regarder d’un autre œil ce qui ne sont au début que des descriptions abstraites dans un guide touristique, telles que les magnifiques dessins dans une grotte de l’ancienne ville de Dunhuang. Au bout de quelques jours, Barbara Crossie apprend à ouvrir son cœur aux autres drames que le sien. Ces découvertes, ainsi que les événements qui s’en suivront, l’aideront à trouver une solution à sa vie à elle. Felicia Mihali La punition de l’exil Salah Benlabed - Notes d’une musique ancienne « On ne s’exile pas impunément » : cette petite phrase
concentre pleinement l’essence du dernier livre de Salah Benlabed, publié
par Pleine Lune, tout comme son premier recueil de nouvelles La valise
grise. Parler du sujet de ce roman ne prend pas plus de quelques
mots : un Algérien, menacé par l’assassinat, quitte son pays en quête
d’une vie paisible et sécuritaire pour lui et sa petite fille. Mais
combien difficile est de surprendre tous les états d’âme d’un immigrant,
car ce qui se révèle le plus difficile est non pas de vivre dans le
présent mais de cesser de vivre dans le passé. L’exil punit toujours, même
ceux qui y recourent par manque de choix. Et tout comme dans les nouvelles
de La valise grise, Salah excelle surtout dans les choses non dites. Il se
contente plutôt de détailler longuement leurs conséquences néfastes dans
la vie d’un individu : la mort du père, la perte de la mémoire de la
mère, les amis qui disparaissent dans des attentats. Ce qui fait le plus
mal dans le passé d’un dépaysé est ce qu’on n’en connaît pas, comme la
vérité sur sa propre famille. Le pays d’origine de l’héros n’est pas
véritablement l’Algérie, mais un pays ravagé par la guerre d’Indépendance,
ainsi que par les conséquences engendrées par la décolonisation, un pays
abstrait, un summum de peur et de terreur. Le pire est que de l’autre
côté, le nouveau pays est un pays du silence, où on apprend à vivre en
tant que Personne. Votre nouvelle adresse ou votre nom impossible à
prononcer par les autres ne vous rendent pas une nouvelle identité.
« Être Personne fait tenir en vie ». Le livre de Benlabed est un des plus troublants écrits sur la détresse d’être Personne dans un pays qui exalte justement les valeurs de l’individualité. Il excelle surtout dans les portraits des marginaux qui y vivent : des Polonais, des Roumains, des Africains. A travers son héros sans nom, Salah Benlabed nous assure avec amertume que « la démocratie est versatile, elle n’est pas universelle ». Un récit exquis. ![]() Miruna Tarcau La guerre des Titans Tome I Le choix de Selenæ La jeune auteur, qui a publié l'an passé, à 16 ans, son premier roman L'île du diable, nous propose ici le premier volet d'une saga fantastique, dont elle développe le concept depuis six ans. Il s'agit aussi d'une fable sur la guerre. « La guerre est un art et cette guerre promet d'être particulièrement éblouissante » Le choix de Selenæ, premier volet de la saga La guerre des Titans relate le déclenchement d'une guerre de pouvoir, d'insurrection et de liberté où il n'y a ni bon ni mauvais côté. L'intrigue se déroule dans plusieurs dimensions de notre Terre, et traverse plusieurs époques. Les dimensions se séparent; ennemis de toujours se voient obligés de se rallier pour survivre… Partagée entre deux camps, d'une part celui de sa sœur Éos, qui est aussi celui des dieux de l'Olympe ainsi que des Titans, et d'autre part celui du chef des Enfers, son père Hel, qu'elle n'a jamais connu, Selenæ est confrontée à un choix cruel. Qui devra-t-elle trahir ? Avec le seul secours de sa légendaire épée, elle découvre la peur de la mort à travers son voyage dans la Quatrième dimension, celle des mortels. Sur elle repose toute la survie d'un monde… ![]() Virginia Pésémapéo Bordeleau Ourse bleue À la recherche de ses racines, Victoria entreprend un voyage au pays de ses ancêtres cris avec son compagnon Daniel. C’est un long périple vers le nord sur les rives de la baie James. Couleurs, odeurs et majestueux paysages éveillent en elle des souvenirs qui se mélangent bientôt aux étranges songes qui viennent troubler ses nuits. Par bribes, oncles, tantes et cousins lui racontent l’histoire de sa famille. Misères et grandeurs des siens. Images de son enfance, teintées de joie et de tristesse. Ourse bleue revient chez les siens pour faire la paix avec son âme et libérer celle de son grand-oncle chasseur, disparu en forêt depuis vingt ans. Malgré l’incrédulité de son compagnon blanc qui ne peut la suivre jusqu’au bout, Victoria poursuivra son chemin sur les traces jadis empruntées par son clan, dans un territoire aujourd’hui disparu sous les eaux. Ce roman de Virginia Pésémapéo Bordeleau resitue la société amérindienne dans le contexte de la modernité, avec ses forces et ses déchirements, et met en lumière le profond humanisme de cette culture, à travers une quête identitaire qui, par son authenticité, rejoint l’universel. L’auteur : Éditions de la Pleine lune Roman, 204 pages, 22,95 $ ![]() Laurent Chabin Les Territoires du Nord-Ouest Avant, pour distraire les travailleurs, ils organisaient des combats
entre des hommes et des ours. Quand ils ont commencé à manquer d’ours, ils
ont pris des chiens. Après, ils ont préféré inventer un monde. Parallèle,
virtuel, un monde où tout le monde peut devenir tout le monde et se battre
contre n’importe qui. Un monde où tout le monde peut devenir n’importe
qui, en fait. Parce que ça n’a plus aucune importance. Si on met six rats
dans une cage, il y aura nécessairement deux dominants, deux esclaves et
deux indépendants. Si, de trois cages différentes, on met les six
dominants dans une même cage, le schéma se reproduira, à
l’infini… L’auteur Coups de tête Octobre 2007 - 112 pages - 10,95 $ ![]() Anne Élaine Cliche Poétiques du Messie L’origine juive en souffrance L’Histoire en hébreu se dit toldot, terme pluriel qui se
traduit par enfantements, On peut dire que cette poétique est à l’origine de l’Occident ; origine juive qui occupe l’histoire et la travaille à son insu telle une lettre restée en souffrance. Le Messie ayant quelque chose à voir avec le sexe et la sexuation, il est, dans son invention même, une figure de l’engendrement que l’épistémologie des sciences historiques méconnaît. Le Christ est venu obturer « la porte étroite » par où le Messie peut toujours venir. En prenant à sa charge le péché du monde, il délivre la chrétienté du risque que constitue l’incréé de la responsabilité. Avec Lui, le littéral se voit frappé de refoulement au profit de ce que le christianisme appelle « l’esprit », et ce, pour désigner une transcendance du signe qui promeut l’exégèse et substitue à la mémoire la commémoration et l’acte de foi en l’événement. Mais pour la tradition juive, le Messie désigne la prise en compte du temps comme engendrement, passage par la naissance et la mort, ce qui implique, à l’encontre de la mythologie, un devenir, de même qu’un corps et une conscience éthique livrés à l’alternance du jour et de la nuit. Car le Messie pourrait bien n’être qu’un effet de la sortie du temps mythique, la figure la plus saisissante de la démythologisation de la parole. Lectures de Cervantès, de Schreber, d’Aboulafia, de Klein, de Céline, de Perec, de Freud, de Lacan, du Talmud, de la Bible... L’AUTEURE : Anne Élaine Cliche enseigne au Département d’études littéraires de
l’UQÀM. Elle est Anne Élaine Cliche, ISBN 978-2-89261-500-5 ![]() Patrick Caux et Bernard Gilbert Ex Machina Chantiers d’écriture scénique Ce livre se veut une sorte de réflexion à haute voix sur un
parcours exaltant plein de La démarche artistique de Robert Lepage a conquis les scènes de partout dans le monde. Tous s’entendent pour lui reconnaître un talent de magicien. Mais que sait-on de ce qui préside à ces prodiges scéniques ? Reconnu pour sa discrétion sur sa méthode de travail, l’artiste s’est confié à Patrick Caux qui a pu ainsi observer la naissance d’un projet et s’imprégner de l’atmosphère particulière qui l’accompagne. Relatant le parcours de l’homme de théâtre, l’auteur retrace la généalogie spirituelle de ce qui deviendra, en 1994, la compagnie Ex Machina. Animée par une volonté de dépassement, l’équipe de création d’Ex Machina refuse les cadres traditionnels et s’efforce, projet après projet, d’alimenter les réflexions que provoquent le théâtre en soi et le désir d’y incarner des aspects de l’aventure humaine. C’est ainsi que naît en 1997 le lieu privilégié de création de la compagnie, là où la technologie côtoie la poésie : la Caserne. Abondamment illustré, Ex Machina : Chantiers d’écriture scénique permet une incursion au coeur de l’idéal artistique de Robert Lepage et de ses collaborateurs, tout en replaçant cette démarche dans un contexte socio-culturel essentiel : celui d’une ouverture sur le monde. Témoignant bien de la ferveur qui anime toute l’équipe d’Ex Machina, Patrick Caux ouvre aux lecteurs les portes d’un univers fascinant, habité par des êtres passionnés, intenses, d’une créativité hors du commun et portés par une telle ferveur qu’on ne peut que s’abandonner à un tel voyage. Suit un bref essai de Bernard Gilbert sur les incursions (de plus en plus nombreuses) de Lepage dans le domaine de l’opéra. Originaire de Québec, Patrick Caux complète des études en science politique avant de suivre une formation en écriture dramatique à l’École nationale de théâtre du Canada. Initié par son grandpère à Wagner et à Molière, il s’intéresse très tôt à la vie théâtrale comme praticien et commentateur. Il a été un observateur attentif d’Ex Machina depuis ses débuts. Depuis 2005, Patrick Caux se consacre principalement à la presse écrite, notamment comme journaliste culturel pour Le Devoir. Né à Québec, Bernard Gilbert oeuvre depuis près de 30 ans dans le domaine des arts et de la culture. Homme de radio, il a pratiqué le journalisme à Radio-Canada et dirigé CKRLMF avant de prendre la direction du Théâtre Périscope (1989) et de fonder (1991) le Carrefour international de théâtre de Québec. Il collabore à la production des opéras mis en scène par Robert Lepage. Les éditions du Septentrion Coll. L’instant scène ![]() Chez Christian Feuillette, éditeur RÉCITS ET FANTASMES…, de Philippe Sicard L’AUTEUR: LE LIVRE: COMMENTAIRES: collection Séisme ![]() Eaux-Vannes de Andrée Gagné L’AUTEUR: LE LIVRE: COMMENTAIRES: Après le bon accueil réservé par la critique à Mikado (“C’est d’une grande beauté”, Chantal Jolis à Indicatif présent – “Un imaginaire où s’agitent des êtres qui actualisent des fantasmes d’amour, de haine et de mort surtout qui… fascinent le lecteur de nouvelles que je suis”, Michel Lord dans Lettres québécoises), les nouvelles de Eaux-vannes ne manqueront pas de séduire les amateurs du genre. Fuite ou dépression, meurtre ou suicide ont fonction de catharsis pour les personnages, tout autant que pour l’auteur et les lecteurs. Cet ensemble traité avec audace, humour et sens du suspense illustre bien la puissante alchimie de l’écriture libératrice. Collection Séisme ![]() CHIRON, de Renée Lebeuf L’AUTEUR: LE LIVRE: COMMENTAIRES: ![]() DES TETES DES QUEUES DES PATTES de André Duhaime LES AUTEURS: LE LIVRE: Des têtes des queues des pattes propose au jeune lecteur des haïkus sur le thème des animaux. Avec un grand sens de la pédagogie, et aussi avec humour, les auteurs ont su apparier de façon magnifique 24 haïkus avec autant d’illustrations. Il se dégage une grande harmonie entre les textes et les dessins, qui préservent une certaine sobriété, propre à ce genre d’écriture. COMMENTAIRES: Ce genre de petit livre, tout en ne manquant pas de plaire aux jeunes
enfants, constitue une initiation idéale à la lecture, à l’expression et à
l’écriture de poésie, ainsi qu’un outil idéal pour les parents.
L’apparente simplicité du haïku en fait un excellent outil pédagogique
pour l’approche et l’appréciation de la poésie. À l’aide du haïku, dont
les règles fixes deviennent des contraintes ludiques et précises, les
jeunes sont amenés à prendre conscience de la force du mot juste et de la
puissance d’évocation d'une image poétique concise. collection Ver luisant ![]() ICI, TOUT S'ESTOMPE, de Danyelle Morin L’AUTEUR: LE LIVRE: COMMENTAIRES: Vieillir et mourir Faire le dos rond collection Filon ![]() PISSENLITS ET MAUVAISES HERBES de André Duhaime LES AUTEURS: LE LIVRE: COMMENTAIRES: Ce genre de petit livre, tout en ne manquant pas de plaire aux jeunes
enfants, constitue une initiation idéale à la lecture, à l’expression et à
l’écriture de poésie, ainsi qu’un outil idéal pour les parents.
L’apparente simplicité du haïku en fait un excellent outil pédagogique
pour l’approche et l’appréciation de la poésie. À l’aide du haïku, dont
les règles fixes deviennent des contraintes ludiques et précises, les
jeunes sont amenés à prendre conscience de la force du mot juste et de la
puissance d’évocation d'une image poétique concise. collection Ver luisant ![]() Daniel Castillo Durante Un café dans le Sud roman Revoir Buenos Aires et ouvrir les
yeux En a-t-on jamais fini avec son père ? Dans le cas de Paul Escalante,
qui coule une vie
Daniel Castillo a gagné en 2007 le prix Trillium pour La passion des nomades (XYZ éditeur, 2006), le prix le plus important décerné par le gouvernement ontarien pour une oeuvre de fiction. L’auteur : Daniel Castillo Durante, ![]() Jean Florival Duvalier La face cachée de Papa Doc François Duvalier, né en 1907, médecin et ethnologue, règne en
président à vie d’Haïti du 22 octobre 1957 au 21 avril 1971, date de sa
mort. Son fils Jean-Claude, alors âgé de 19 ans, lui succède comme
président à vie jusqu’au 7 février 1986. Pendant 29 ans, Papa Doc et Baby
Doc édifient dans la première république noire des Point de vue de l’éditeur : Spectateur et souffleur, Jean Florival est dans l’oeil du cyclone; à l’intérieur du régime, sans un quelconque titre officiel. C’est en témoin privilégié qu’il plonge dans l’intimité du pouvoir, relate des faits jusque-là inconnus du grand public. Ce livre a le mérite d’exposer avec sérénité des événements tantôt tragiques, tantôt loufoques, dans le dessein de refuser l’oubli, et de mieux comprendre cette tyrannie qui a endeuillé les familles haïtiennes, afin de sortir du cercle de l’impunité et de la logique bourreau-victimes. Découvrez les frasques d’un pouvoir qui fige depuis un demi-siècle l’histoire et l’imaginaire d’Haïti. Selon le politologue Sauveur Pierre Etienne : « François Duvalier instaure en Haïti une dictature féroce, dont l’usage et l’ampleur de la violence font oublier tous les régimes autoritaires traditionnels et sanguinaires qui l’ont précédée. Jean Florival a réalisé le tour de force de présenter les multiples facettes de l’enfant terrible de l’occupation américaine et des classes moyennes. DUVALIER La face cachée de Papa Doc a le mérite de révéler des faits qu’un témoin privilégié se doit de partager avec ses concitoyens, afin de les aider à se ressaisir et à avoir le courage de se regarder objectivement, sans passion. » Jean Florival, né en 1930 en Haïti, est journaliste. Il choisit l’exil en 1967 à New York et s’installe au Québec en 1973. Mémoire d’encrier http://www.terranovamagazine.ca/39/pages/livres/www.memoiredencrier.com Lucie Poirier L’inquisitoriale essai de Michaël La
Chance : Malgré les fictions de soi engendrées par l’écriture, Michaël La Chance
tente de « retrouver ce qui d’emblée nous sépare de nous-mêmes »
p.8 et veut « comprendre quelle était notre soif en son premier
jardin » p.14. Je l’ai rencontré à travers son livre certes mais aussi par
l’intermédiaire d’une entrevue lors de laquelle je lui ai
demandé : L.P. Qu’est-ce qui vous a déterminé dans l’écriture de cet
ouvrage? M.L.C. Depuis plus de 20 ans que j’écris, je reviens aux sources de l’écriture, à l’affrontement du langage qui est faible, qui n’arrive pas à dire le monde. Mais il détermine notre façon de percevoir, il nous structure. L’inquisition nous détermine, il y a une violence du langage qui
détermine qui on est. J’ai écrit ce livre dans le village de Valldemossa
où vivaient Sand et Chopin. J’essayais de dire les vagues, le vent.
Comment est-ce qu’on dit le soleil? Je voulais revenir à ma 1e rencontre
avec le langage. Quand on écrit on invente le personnage qui parle, la
subjectivité, le JE est le personnage que j’ai inventé et qui existe dans
la parole. C’est dans un langage poétique. L.P. Dans L’Inquisitoriale vous convoquez beaucoup les lieux
visités, les voyages faits pour y baser, y appuyer, y développer votre
écriture. Diriez-vous que c’est presque caractéristique de votre
livre? M.L.C. J’ai toujours le passé qui me revient. On est encore ce qu’on a
été et on est déjà ce qu’on sera. Avec la poésie, on détruit un peu
la représentation qu’on a du monde et en même temps on découvre qu’on
partage une capacité d’inventer des images, c’est à travers des mots qu’on
invente des mondes. L.P. Quel idéal vouliez-vous réaliser à travers ce livre? M.L.C. C’est un essai sur la dimension poétique du langage. Les mots
sont habités par une force poétique. Je dis Inquisition pour débusquer les
mots, la force poétique dans les mots. La poésie est une expérience qui
nous rapproche tous. Une représentation qu’on partage, une perception
commune, une bulle cohérente comme l’eau est limpide. On vit dans un monde
d’images. Si on regardait ce qu’on partage déjà on voudrait davantage
partager cette humanité. Et, dans L’inquisitoriale, après le départ d’une femme,
Michaël La Chance partage une introspection où il aime la métaphore de la
perception qui transforme, l’invisible devenant voyant, la
personnification du regardé regardeur, de l’acteur témoin. Dans le pénible conflit de la dichotomie acceptation/refus de ce qui
est, il émaille son texte d’antithèses « lac brûlant » p.17
« ruissellement de sécheresses » p.62, « les mailles de fer
dans le voile » p.90, de répétitions « joies joies joies »
p.98, « cris cris cris » p.99 d’homonymes « Le jour
n’échoit pas (…) il s’échoue » p.98, « Ô délices, Ô
délires » p.105. Avec lui, la lumière se répand en éblouissement pp.22-61-68-107-111, en
lueurs pp.17-29-51-61-92, en éclair pp.30-34-41-55, en illumination
pp.36-55-68-99 et par l’homme-luciole pp.7-62-63-91-125. Michaël La Chance nous fait le bonheur d’élargir le lexique
francophone, sans grapiner dans l’anglais tel que le préconise l’Académie
française au détriment de l’intégrité et de la préservation de la langue
française tellement morcelée, malmenée, menacée, il invente des mots à
partir d’un radical « dévoration » p.29, d’un mot en français
« chercherie » p.103, en transformant l’adjectif en substantif
« l’inquisitoriale » p.87. Il utilise l’italique pour les exergues de chaque section, la majuscule
pour le mur de l’inquisitoriale et truffe le texte de
photos. Il quête aux vagues, aux ravins, aux arbres la possibilité de les dire,
ressent le désir comme une douleur, une folie, une prédation, transforme
la femme fatale inaccessible en nymphe inviolée, édifie le mythe d’un
« archipoète », énumère des personnages l’île Bonaventure et
entretient des fantasmes de meurtre dans la peur de la
dissolution. Toujours à l’île Bonaventure, pour lui, le lieu induit le langage puis,
à Montréal, rue St-Dominique,, il invite un interlocuteur et disserte sur
l’enchevêtrement des formes dont nous sommes faits, la tragédie du
langage, les conflits du corps qui recèle l’âme de feu assoiffée; il
transmet ses convictions fondamentales : « Pour ne pas y penser,
il faut toujours y penser » p.93, « L’autre, c’est moi! »
p.110, « l’ennemi est en moi » p.111 La Chance rappelle Hélène Cixous et Paul Eluard avec son orange et se
souvient de la poétesse qui l’avait encouragé à écrire, Françoise Bujold,
la femme-mouette, dont il relate la fragilité et les errances, et qui,
après avoir emprunté sa machine à écrire, lui avait laissé une définition
de la poésie : « la contre-blessure de la vie plus forte que le
désespoir » p.115. Michaël La Chance achève son essai avec cette déclaration :
« Dans cette vie nous ne pouvons comprendre ou pardonner, nous ne
pouvons qu’aimer » p.122. L’inquisitoriale de Michaël La Chance Triptyque 2007 133 p. Cerasela Nistor “Pas question de Dracula” réunit trois prosateurs roumains en pleine afirmation Le 26 Octobre, à Paris, les lecteurs français ont eu
l’occasion de rencontrer de nouveau l’univers roumain par l’anthologie en
prose Pas question de Dracula, signée par les trois
auteurs roumains Florin Lazarescu, Dan Lungu et Lucian Dan Teodorovici. La
maison d’édition “Non Lieu” réunit ainsi trois prosateurs prestigieux de
la nouvelle génération d’écrivains roumains, qui a très bien reçu le roman
de Dan Lungu, “Le Paradis des Poules”, en 2005. En plus,
en 2006, les trois auteurs se sont réunis dans la revue “Au sud de
l’Est”. Cette initiative a été possible grâce à la Fondation Corona de
Iasi qui, par le projet “Fenêtres en papier”, soutenu par le programme
“Promocult 2007”, a facilité aussi l’organisation d’une table ronde au
sujet de l’approche de la littérature roumaine du public
étranger. Les textes du volume introduisent le lecteur dans l’univers unique de l’enfance et rappellent, comme Laure Hinckel le dit, le genre de prose courte cultivé par Maupassant ou Flaubert. “Les onze nouvelles que nous publions ici sont comme autant “des traversées sur le fil”. C’est ainsi que Dan Lungu aime justifier son amour pour ce format littéraire: “une traversée sur le fil”. Un moment de “virtuosité concentrée”, estime pour sa part Dan Lucian Teodorovici. Une “histoire simple que trop de mots compliqueraient inutilement”, conclut Florin Lazarescu. Onze histories sidérantes. Du naturel. Du talent. Du toupet. Et de poésie du quotidien”, conclut, dans sa présentation, Laure Hinckel, qui a fait aussi la traduction des textes, avec Iulia Tudos-Codre. (C.N.) |
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