Depuis 2001 • No 44 • Montréal • 15.04.2008
Avril 2008

Gilles Valiquette : Histoires de chansons

Lucie Poirier
journaliste-analyste

Gilles  Valiquette

Gilles Valiquette, l’éternel adolescent sur qui le temps n’a pas d’emprise, l’auteur-compositeur-interprète de la chanson identitaire «Je suis cool» qui a transcendé les générations, rassemble des détails de sa carrière, donne des conseils sur la création de chansons, partage des réflexions sur le milieu musical, dans le volumineux ouvrage Histoires de chansons.

Au cours des ans une caractéristique lui est incontestablement accolée : il est sympathique, dans ses chansons et dans ses revendications. Valiquette fut un précurseur de l’introduction de nouveautés technologiques, sur scène et en studio; il a même fondé le programme d’enseignement collégial Conception sonore assistée par ordinateur et le collège Musitechnic en 1987. Il a aussi présidé la SOCAN, la société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Il continue à composer, à chanter, à se consacrer à la promotion et à la défense des créateurs de chansons.

Dans le livre, 101 chansons se suivent dans le même ordre que celui où elles ont été livrées au public : selon la chronologique de leur parution sur disque. Elles sont accompagnées d’anecdotes telle que celle où il rappelle avoir été présenté : Gilles Villeneuve (p.201).

Toutes les paroles ont été calligraphiées par Valiquette ce qui confère un caractère convivial, intimiste, authentique à leur présentation et s’accorde à l’aspect personnel des commentaires et remémorations qui précèdent le texte de chaque chanson.

Son indéfectible passion pour la guitare l’a déterminé très jeune à travailler : pour avoir l’argent nécessaire aux cours et aux partitions, pour acquérir la technique musicale en suivant des cours et en pratiquant. Son apprentissage était influencé par sa fascination pour les Beatles (sa première interprétation a été Yesterday de Paul McCartney) et par tout ce qui constituait l’aspect technique de la composition et de l’interprétation. Il a donc bénéficié de notions de théorie musicale qu’il complétait par l’écoute des succès populaires que son groupe, Someone, jouait dans le quartier.

À 16 ans il enregistrait ses premiers 45 tours et faisait des tournées accumulant satisfactions et déboires.Il a appris «à la dure» certes mais son plaisir reste toujours perceptible à travers les évocations des différentes péripéties. Il a aussi un sens de l’humour qui contribue à sa réputation de travailleur opiniâtre, persistant, acharné, avec entrain malgré les embûches et qui encore aujourd’hui «vise ultimement à créer une chanson chaque jour» (p.36).

Dès les débuts de sa carrière, j’ai apprécié Gilles Valiquette, son observation du quotidien urbain, ses confidences amoureuses, ses tendresses familiales; dans son ouvrage, à la page 332,  il affirme :«rien n’est plus précieux qu’être la vedette de ses enfants». La première fois qu’un de mes articles a été publié «à la une» du journal pour lequel je travaillais, c’était un texte relatant un de ses spectacles. Dans son livre, je reconnais la constance de sa participation à l’industrie musicale québécoise francophone en tant que musicien, producteur et chanteur mais aussi en tant que formateur; les passages autobiographiques alternent avec de nombreux avis et encouragements sur l’écriture et sur l’industrie.

Dans ce document de 496 pages, il insère des photos de ses albums, de ses guitares et il glisse des vérités fondamentales sur l’importance pour lui de s’exprimer en français : «un artiste n’est-il pas le reflet de son environnement?» (p.77).

C’est à la fois avec fébrilité et tranquillité qu’il a réalisé ses rêves professionnels : de sa première guitare à son propre studio d’enregistrement et qu’il a vécu des relations marquées par la subtilité, la compréhension et la coopération : «Je crois au travail d’équipe…on ne doit jamais mettre un artiste face à un problème sans proposer en même temps quelques solutions de rechange (p.305) la valeur de mon métier…vient plutôt des personnes qu’on y rencontre» (p.392).

N’est-il pas exceptionnel de croiser et découvrir une personne qui ne dit pas du mal des autres? S’entretenir avec Gilles Valiquette fait partie des bienfaits de la vie d’une journaliste. J’ai eu ce plaisir lors du lancement de son livre. Nous avons d’abord relaté la double élaboration, calligraphique et narrative, de son ouvrage.

Lucie Poirier : Vous avez consacré du temps à cette laborieuse transcription manuscrite de chaque chanson en plus de consigner vos souvenirs et recommandations.

Gilles Valiquette : Les disques et les livres sont des objets spéciaux que j’aime acheter, je voulais donc que mon livre soit spécial, avec une touche personnelle. On ne voit pas ça souvent. Ça parait que ce livre contient des paroles de chansons. C’est de l’effort, du travail, du temps. Je me suis appliqué, je voulais bien faire. Je me levais tôt et je faisais la copie des paroles et un texte sur la chanson à chaque jour. Je suis organisé, je me fixe des échéanciers. C’était la discipline que je m’étais imposée. Ça m’a pris 101 jours. Ajouter un contexte biographique avait du sens, parler des albums aussi. J’ai vendu l’idée de ce livre et j’ai eu à l’écrire. J’ai écrit le journal d’un créateur de chansons. Je voulais témoigner de ce qui se passe derrière la scène. Si d’autres faisaient de tels livres, on aurait une idée de la chanson québécoise depuis ses débuts en 1957 avec Michel Louvain.

L.P. Tout votre livre est traversé par vos observations sur le lien entre la condition d’un artiste et le sort de ses chansons.

G.V. Pour un artiste rien n’est plus précieux que ses chansons. J’ai une passion, c’est les Beatles. Quand on suit le cheminement des chansons : Qui en est devenu propriétaire, leur marchandisation, on comprend pourquoi il y a eu la dissolution du groupe. L’impact de ce qui est fait aux chansons d’un artiste est majeur.

L. P. Depuis des années, vous agissez en souhaitant que les créateurs soient davantage protégés. D’ailleurs, vous écrivez dans votre livre à la page 329 : «on peut aujourd’hui gagner sa vie à conduire un camion qui transporte les disques chez un détaillant alors que les auteurs et compositeurs sans qui ces disques n’auraient jamais vu le jour sont trop souvent laissés pour compte».

G.V. À 20 ans je voulais gagner ma vie en créant des chansons mais il fallait changer le fait que ce n’était pas possible. Quand on crée une chanson, on crée une œuvre de l’esprit, dans le sens le plus noble du terme, une chanson c’est un gros morceau de qui nous sommes et c’est aussi une œuvre universelle. J’ai eu des leçons de vie à travers la musique que j’ai élevées à un niveau universel, ça doit être converti universellement parce que je veux que tout le monde se voit dans mes chansons. La vie sur terre nous apporte des choses qui peuvent compter pour ce qu’on n’a pas vécu. On peut déduire des jalons d’apprentissages.

Une chanson n’est pas seulement un produit sur le marché pour le commerce. Quand on regarde une colonne de chiffres on sait le marketing mais on ne sait rien de l’auteur ni de l’œuvre. Le divertissement depuis la fin des années 70 inclut une foule d’administrateurs, d’avocats, de gérants. Les producteurs sont des utilisateurs et les créateurs doivent s’exprimer, si leurs chansons sont utilisées, ils doivent être rémunérés. La loi du droit d’auteur c’est une entente mais son application est déficiente. Les politiciens vont devoir faire quelque chose, depuis 1996 on n’a pas de tarif pour la musique sur Internet. D’ailleurs, en anglais on parle de copyright, droit de copier, quand on dit droit d’auteur, c’est une fausse appellation. Les conditions actuelles pour les artistes ne sont pas meilleures que lorsque j’ai commencé. Nous, les créateurs, on veut que nos œuvres soient utilisées mais on veut aussi être payés pour cela. Il faut une licence pour faire jouer de la musique que ce soit dans un restaurant, un ascenseur, une publicité. La tâche est ardue. Je m’implique parce qu’il faut que quelqu’un le fasse, il faut développer un sens de la communauté.

L.P. Vous êtes dédié à la chanson dans tous ses aspects.

G.V. Ça me permet de demeurer vivant, de rester jeune. Quand je suis arrivé dans le milieu musical j’ai été inclus et je me suis trouvé chanceux. C’est un monde magique, il faut sortir du rêve, de l’image du métier. En fait, c’est du gros travail, il y a surtout des artisans qui le font sans cesse. J’ai atteint le succès que je visais. Ça prend des années pour savoir si une chanson a du sens, pour faire la différence entre l’intention et l’impact. Un créateur doit faire un tour de 360 degrés avec le temps. J’ai changé ma façon d’écrire des chansons au cours des ans. De plus, il faut jongler avec l’infrastructure du business, se préoccuper que les producteurs trouvent leur compte, trouver le dénominateur commun, faire une œuvre dont on est fier et qui est commerciale. Finalement, je n’ai jamais manqué mon coup. J’aime ce que je fais, je suis plus en confiance. J’accepte que ce n’est pas tout le monde qui va connecter avec ce que je fais. Encore aujourd’hui, je ne prends pas pour acquis que les gens s’intéressent à moi.

L.P. Mais ceux qui s’intéressent à vous le font avec dévotion; ainsi, c’est un de vos fans qui a créé votre site Internet http://www.gilesvaliquette.com/.

G.V. Oui, Richard Lupien a imaginé un site pour me rendre hommage, j’y ai collaboré et finalement c’est devenu mon site officiel. Il fait un travail extraordinaire, il y a des archives et toutes les paroles de mes chansons apparaissent sur le site en version dactylographiée.

L. P. Vous achevez le livre en mentionnant : «À suivre».

G.V. On est toujours dans le milieu de quelque chose. On arrive à la dernière chanson, à la dernière page, avec l’impression que ça continue. C’est propre à la vie, on demeurera toujours un ouvrage inachevé.

Créateur, Gilles Valiquette se révèle aussi un professeur, un collaborateur, un réalisateur, un défenseur, et un père qui parle avec fierté de son fils Louis devenu un musicien cumulant les tournées en Amérique et en Europe.

La gentillesse, la ferveur et l’amabilité de Gilles Valiquette s’ajoutent à ses treize albums, ses cinq Certificats d’honneur BMI/SDE et ses cinq prix SOCAN. Rencontrer un artiste tel que lui n’est guère fréquent, découvrir un tel être humain, non plus; il communique une sagesse précieuse, une proposition fascinante, une invitation irrésistible : «nous sommes bien chanceux d’être vivants. À chacun de nous d’utiliser ce privilège pour tenter d’améliorer un peu les choses pendant notre séjour sur terre. Pour ceux qui suivront…» (p.155).

Gilles Valiquette Histoires de chansons.VLB éditeur. Préface de Jacques Michel. 2008. 496 pages. Textes et photos couleur.

Avril 2008

Miruna Tarcau : Paris c’est comme un grand musée

Madalina Vlasceanu

Miruna Tarcau

Toujours enthousiaste et en même temps terre à terre. À n’importe quel moment et à n’importe quel endroit, Miruna Tarcau est capable de parler de ces travaux littéraires des heures et des heures, avec la même passion. Cette fois-ci, notre discussion c’est déroulée en mars, au Salon du livre de Paris, où la jeune écrivaine était présente pour la deuxième fois, avec son nouveau livre Le Choix de Selenæ, le premier tome de la saga fantastique La Guerre des Titans.

Une histoire qui est comme toute histoire avec un point de départ. Ainsi, une simple classe de physique devient le cadre parfait, propice à l’imagination. Une simple comparaison se transforme vite dans une série de métaphores centrées sur l’idée que la matière, comme les atomes, est en grande majorité formée de vide. Tout est en place : la terre avec ses multiples dimensions, les personnages, la légendaire épée… « Dans ma tête l’histoire était claire, mais pour la transmettre au public ce n’est pas évident, car il faut être claire mais pas trop explicite», m’avoue la jeune adolescente. Ne pas être trop pédagogique, ne pas trop faire de détours, tout en gardant le suspens, l’action, l’effet de surprise…, voilà le défie de ses œuvres. Un pari qui s’avère réussi ; les livres vendus et les impressions des lecteurs témoignent. « J’ai beaucoup aimé la fin du son premier roman que j’ai acheté l’année passée. C’était inattendu, une fin pas du tout hollywoodien. De plus, le roman se lit facilement. Je le conseille à tout le monde », s’enthousiasme Jean-Christian Derouin, un ex-camarade de classe de Miruna qui a déménagé à Paris depuis deux ans. Pour lui, Miruna reste avant tout une jeune fille « modeste, peu bruyante et avec de bonnes notes. (…) Avant qu’elle publie son premier livre, je n’étais même pas au courant qu’elle écrivait des livres », ajout-il.

Miruna Tarcau

La jeune canadienne d’origine roumaine prend son rôle d’auteure très au sérieux en visant de publier un nouveau roman chaque année. A 300 exemplaires, la première impression du livre Le Choix de Selenæ est déjà épuisée. La deuxième, s’impose à plus de mille exemplaires. Les autres volumes de la saga sont presque achevés dans son univers mental mais pour Miruna, savoir quoi dire ne suffit pas. Il reste à voir comment le dire et c’est là, toute la différence. C’est là que les études interviennent en faisant bon ménage avec son imagination. « Je n’aurais pas pu écrire de la même façon en faisant des études de médicine ou de droit », dit-elle. Décidée à faire toute de suite après son bac un master puis un doctorat en études littéraires à l’Université de Montréal, la jeune fille ne laisse rien au hasard. Comme dans ces romans, elle a envisagé la suite: une bourse, une année d’échange à Paris à la Sorbonne, des études scénographiques, une carrière dans l’enseignement et ainsi de suite.

Le travail complexe et minutieux de concrétisation, de mise en forme, de correction, fait de Miruna une écrivaine à part entière. En choisissant un style, son écriture devient de l’art. « Le style que j’utilise dans « Le choix de Selenae » est antique avec un vocabulaire précis concernant les noms, les comparaisons. C’est de la prose poétique avec beaucoup d’images », et pour elle « l’auteur doit croire à son histoire, doit être dedans la scène, doit sentir l’odeur ». Et pour cela, le travail de terrain et de documentation, les voyages, l’expérience de la vie, sont importants.  

Miruna garde de beaux souvenirs de cette édition du salon, mais un de ses plus chers reste sa rencontre avec Michel Drucker, grand animateur de la télévision française, et également auteur de plusieurs livres. Son séjour à Paris ne se résume pas juste au salon. En dehors de ses séances de dédicaces, elle en a profité pour magasiner, faire des photos dans les rues parisiennes, aller au théâtre et visiter les musées tel que le musée Rodin, le musée de la mode… Le Louvre reste pour la jeune canadienne le passage obligatoire à chaque voyage. Amoureuse de la salle des statues, elle retrouve ici une atmosphère antique propice à l’acte créateur. « J’aime Paris avec tous ses bâtiments, son activité culturelle, ses musées. Et ayant tout cela réuni dans une ville, c’est comme rentrer dans un tableau, dans un musée. Paris c’est comme un grand musée », affirme-elle.

En novembre, Miruna Tarcau envisage une tournée littéraire dans son pays d’origine pour lancer, en roumain, le roman « l’Ile du Diable ».

Avril 2008

J’ai appris à demeurer un peu partout […] et je vais là où les projets m’amènent. Je suis juste une passionnée de la vie.

Interview avec l’actrice Cristina Toma

Otilia Tunaru

Cristina Toma

Le 1er mars 2008, j’ai assisté à la dernière représentation de la pièce « La femme d'avant » de Roland Schimmelpfennig, dans une mise en scène de Theodor Cristian Popescu, au Théâtre Prospero. Depuis son arrivée au Québec, en 2003, le metteur en scène d’origine roumaine Theodor Cristian Popescu ne cesse de surprendre le public montréalais en lui proposant des textes tirés de la dramaturgie contemporaine, surtout celle allemande. Le spectacle « La femme d'avant » de Roland Schimmelpfennig propose plusieurs perspectives sur une relation d’amour dont la fin est digne d’une tragédie grecque. Franck et Claudia (Sacha Samar et Chantal Dumoulin) sont mariés depuis une vingtaine d'années et déménagent à l'étranger avec leur fils de 19 ans Andy (Hubert Lemire). Avant leur départ, Romy (Cristina Toma), vient réclamer l'amour de Frank, celui qui lui a confié, 24 ans plus tôt : “J’te jure que je t’aimerai toujours”. Par un procédé cinématographique où l'action est interrompue pour reculer ou avancer dans le temps, les spectateurs sont amenés à assister à un drame conjugal qui dégénère vertigineusement pour démontrer que souvent on ne connaît pas vraiment la personne avec qui on est marié. De plus, les paroles d'amour, désaltérées dans le temps, peuvent rebondir plus tard; deux personnes qui se font une promesse ne comprennent pas la même chose. Les jeunes Andy (Hubert Lemire) et Tina (Livia Sassoli), quant à eux, sont en train de répéter l’histoire de leurs parents, quand ils se jurent l’amour pour toute la vie.
Lors de ce spectacle, j’ai été séduite par le personnage de Romy Vogtländer (Cristina Toma), la femme qui vient chercher l’homme qui lui a juré l’amour. C’est un rôle créé en hommage à Romy Schneider, l’actrice allemande morte prématurément qui dégageait un air mystérieux et innocent. La présence sur la scène de l’actrice Cristina Toma est rayonnante; rires et larmes mêlés, monologues tragiques ou drôles, dialogues piquants, l’expressivité du visage et le jeu dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle…

OTILIA TUNARU : Comment vous vous sentez après avoir joué sur la scène presque chaque soir, pendant trois semaines? Maintenant, le spectacle est définitivement clôt. Pensez-vous que cette atmosphère de « marathon » vous manquera, après vous être entrainée en équipe pendant des mois?  
CRISTINA TOMA: C’est comme à Montréal et ce n’est pas le seul endroit où on retrouve cette manière de fonctionner. C’est tellement différent de la Roumanie, où on garde un spectacle en ce que l’on appelle « un répertoire » et où on peut le jouer pendant des années. C’est juste dommage qu’après les trois semaines, 99 % de spectacles meurent car il n’y a plus de moyens financiers pour les reprises.

O.T. : Une femme qui croit à l’amour éternel… c’est un rôle de composition difficile?  Et dans la vraie vie?
C.T. : Commençons par la fin : J’y crois. Vraiment. Lorsque Roland Schimmelpfennig est venu à Montréal en 2007 à l’occasion de la mise en scène de la pièce « Une nuit arabe », grâce à l’invitation de Theodor Cristian Popescu, nous avions eu une discussion autour de ce personnage. Il disait, entre autres, que ça serait erroné de penser à priori au côté fou, malade, angoissé, frustré ou désespéré, car Romy n’est qu’amoureuse. Tout simplement. Follement amoureuse… ça oui, commencer par-là, quel beau défi pour approcher un personnage.

O.T. : Je trouve que votre présence sur la scène est impressionnante et surtout convaincante. Quand vous êtes sur la scène, vous me faites penser à une tragédienne antique qui est capable de créer des personnages forts, et qui peut jouer toute seule pendant des heures. Comment avez-vous réussi cette performance? Et la maitrise du français, qui n’est pas votre langue maternelle?
C.T. : À force de devoir apprendre et jouer en français, j’en suis devenue une vraie passionnée. C’est tout. Ma curiosité démêle toutes les démarches et je tombe en amour avec tout ce que je fais - facile à dire… Je ne suis pas une perfectionniste ni même ambitieuse, je suis juste une passionnée de la vie – je me nourris en permanence, consciemment, lucidement de tout ce qui m’arrive, bon comme mauvais, et je fais ça, avant tout, par amour de mes personnages et des spectateurs.

O.T. : Seulement un an après votre arrivée à Montréal, vous avez été sélectionnée lors de la XXIIe édition de la Soirée des Masques, pour le rôle de la mère dans la pièce "Visage de feu " en 2005. C’était un début prometteur dans la nouvelle ville d’adoption et, à mon avis, du jamais vu pour une actrice venue d’ailleurs. Nous voilà en 2008… comment les choses ont-elles évolué dans le temps?
C.T. : Je ne nommerais pas ma mise en nomination « un début » mais plutôt une continuation sous de bonnes étoiles car, quand même, j’avais 33 ans et je faisais du théâtre depuis un bon bout de temps. Je ne crois plus aux nouveaux et nouveaux débuts, tout fait partie d’un trajet impondérable. Comme une boule de neige qui grossit ou fond, à la fois, dans le circuit naturel.

O.T. : Prochainement, vous retournerez en Roumanie. C’est « un adieu » ou « un au revoir » pour le public montréalais?...
C.T. : Je trouve votre question un peu dramatique. Puisqu’on parle de théâtre…ça passe. Pour moi, n’existera plus effectivement d’adieux, à part pour celles et ceux qui nous quittent pour toujours. Surtout pas en cette ère où l’on vit. J’ai appris à demeurer un peu partout sans que ça me fasse peur, et je vais là où les projets m’amènent. Comme comédien, on est où on doit être, si c’est trop lié à la langue maternelle ça nous empêche d’être planétaire. Ceux qui ont touché aux différentes langues sont prêts à un vrai plurilinguisme même si ceux qui ne l’ont jamais vécu n’y croient pas. Ce sont des individus, plus ouverts aux autres sociétés. 

O.T. : Avez-vous hâte de jouer en roumain?
C.T. : « Avoir hâte » c’est comme si je privilégiais cette démarche. J’ai hâte de jouer dans n’importe quelle langue dans laquelle je pourrais bien le faire. J’ai joué dans le langage des signes, j’ai fait de la danse, j’ai joué en anglais, je parle aussi le hongrois, et j’ai même envie de commencer à apprendre une autre langue, alors je ne mélodramatiserai jamais la relation avec le pays d’origine. Ce n’est pas le cas. C’est si réjouissant d’arriver à être nominée dans une autre langue aussi. Surtout après que tu lis des choses comme (je cite de mémoire un entretien avec Patrice Chereau) : « un comédien ne peut pas être bon que dans sa langue d’origine » pas mal encourageant… Mais j’ai bien appris quel privilège, quel beau cadeau est la langue maternelle et un comédien qui ne l’a jamais quittée ne s’en rend très peu compte. Dommage.

O.T. : Pensez-vous revenir jouer à Montréal?
C.T. : Comme si un comédien pouvait faire tout ce qu’il veut… Il est parfois dépendant de tant de ficelles : facilité de se faire remplacer, plus ou moins bien payé dans des projets initiés par d’autres, des pièces qui te plaisent plus ou moins, ensuite, les fameuses auditions qui n’existent pas tout à fait, la présence ou surtout l’absence d’un agent ou de plusieurs paliers d’agents, encore plus la tentation d’écrire et de produire avec ses propres amies des spectacles où l’on s’entraide en s’achetant les billets, initier ses propres projets jusqu’au point de ne plus savoir si on est toujours comédien ou auteur, producteur ou metteur en scène… toucher à plusieurs métiers c’est enrichissant? Sans doute, jusqu’au point de s’éparpiller. Que puis-je répondre à votre question? Oui.

PHOTO : Cristina Toma et Sacha Samar dans la pièce « La femme d’avant ». Crédit Victor Dima
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Biographie Cristina Toma

Après des études à l’Académie d’art théâtral de Târgu-Mureş, en Transylvanie, Cristina Toma travaille au Théâtre National de cette ville. Très tôt, elle y interprète des premiers rôles parmi lesquels Isabella dans Mesure pour mesure de Shakespeare et Alison dans Look Back in Anger de Osborne, qui lui vaut le prix du Meilleur Espoir Féminin. Elle plonge dans la danse contemporaine pour DaDaDans et apprend le langage des signes pour Sarah dans Les enfants du silence de Mark Medoff à la Compagnie 777, qu’elle fonde à côté de Theodor Cristian Popescu. La saison 2004/2005 marque ses débuts montréalais avec le rôle de Nadejda dans Histoires de famille de Srbljanovič, suivi du rôle de La mère dans Visage de feu de Von Mayenburg, qui lui vaut une nomination au Masque de l’interprétation féminine dans un rôle de soutien. L’année dernière on a pu la voir dans Une nuit arabe au Théâtre de Quat’Sous.

Avril 2008

« Ainsi, la vie est un spectacle et de ce fait, le spectacle prend vie dans mes œuvres » !

Fanchon Esquieu, artiste

Luz Garcia de Zielinski

Fanchon Esquieu

J’ai connu Fanchon Esquieu, artiste d’origine française à peu près il y a 4 ans. Fanchon est une artiste qui a une façon de prendre très originale et sa peinture est très stylisée.  Elle très créative et pleine de talent!   Elle a étudié à Paris les arts appliqués durant quatre ans et un peu plus tard elle repart vers des études en architecture de paysage à Blois, en France.  Elle aime le paysage mais aussi l’art et pendant un échange universitaire elle découvre Montréal.  Les couleurs de cette ville, l’énergie qui s’y dégage et la créativité qui s’y respire, lui donnent envie de « sortir » ses pinceaux, l’encre et les fines plumes. 

Une fois de retour à Paris, elle obtient son diplôme d’architecture (en 2003) et peu après, elle revient à Montréal pour s’y installer et pour développer son art. 

Cette jeune femme est une artiste polyvalente qui a réalisé des affiches et t-shirts pour le CMAQ et qui a participé à des activités « peinture en direct » à l’Alizée.  Elle a exposé ses œuvres depuis 2004 à plusieurs endroits comme : à la Galerie-Café L’Oreille de Van Gogh, ChaNoir, Centre Culturel de Verdun. Comme elle le dit : « Entre les pages de mes carnets de croquis et les recoins de mon cerveau, j’observe, je croque et je note les regards, les postures, les humeurs. Les passants traversent mon carnet au fil des saisons et se retrouvent sur une toile ou une page blanche, entre deux papiers collés. Au détour d’une tache d’encre, dilués au gré de mon imagination, ils naviguent entre deux lignes, entre deux mots. Je réalise ainsi mon désir de reproduire, juste par quelques traits, ces moments furtifs, apprendre à capter l’essence d’un instant… Je suis attirée par la magie du quotidien, le désordre urbain, les lieux de rencontres et de passages. Je dessine, tout simplement, les personnages burlesques, mais attachants, que nous cachons tous dans un petit coin de notre être. Ainsi, la vie est un spectacle. Et de ce fait, le spectacle prend vie dans mes œuvres. »

Fanchon m’a également confié qu’elle aimait s’asseoir dans les cafés pour siroter un bon cappuccino et faire jaillir son inspiration en observant les personnes autour d’elle se révéler par un geste furtif, un regard impudique, naturelles parce qu’anonymes.
En essayant de deviner leur vie, leur goût, leur tristesse, leur joie….etc.  En recréant un monde selon sa perception juste le temps d’être là….
Beaucoup de ses peintures sont nées de ses carnets qu’elle traîne et qu’elle remplit en flânant.  Elle aime le fait de se mettre dans « la peau » de l’autre et d’essayer de deviner et de sentir la personne juste en l’observant, en l’analysant …en posant un regard sur le monde qui l’entoure et ainsi elle essaie de traduire ce qu’elle voit, ce qui la séduit ou qui l’intrigue…Elle sent, de cette manière, la folie, l’étrange, la nonchalance, la légèreté….Elle m’a dit que c’est une façon de traduire, de vivre les atmosphères urbaines qui l’inspirent :  « j’illustre le monde de saltimbanques qui trottent dans ma tête… »

Fanchon n’a jamais cessé de créer même avec la naissance de ses deux filles qu’elle adore et qui l’inspirent. Fanchon, artiste et mère nous invite à sa prochaine exposition ce samedi le 19 avril au Lubu Café Librairie(*).  Elle nous confie :  « Voici une occasion de prendre un petit café équitable dans un endroit sympathique, de 15h à 18h où je serais là avec toute ma tribu et quelques toiles sur les murs, pour les plus assidus à mes expos, il y a peu de nouveautés car j'ai d'autres beaux projets qui se développent, vous pourrez surtout découvrir mon arbre à cartes et mes superbes filles qui, elles, changent tout le temps ».
Vous pouvez admirer l’exposition du 16 au 30 avril 2008.  Pour plus d’info :  info@fanchon.net

(*) 4556, rue Ste. Catherine Est

Photo :  LUZ, Fanchon Esquieu et Gabriel Garcia
Avril 2008

Le cymbalum c’est le cœur et le pouls d’un orchestre. Jouer du cymbalum c‘est une sorte de fantaisie harmonieuse où il faut respecter le tempo

Interview avec le musicien et le compositeur Nicolae Margineanu, un virtuose de cymbalum

Otilia Tunaru

Gilles  Valiquette

Le musicien Nicolae Margineanu joue du cymbalum, un instrument ancestral et particulièrement complexe, qui résonne depuis des siècles dans les diverses régions de la Roumanie. À travers les années, il a continué ses études pour peaufiner son art et il a enseigné la musique à plusieurs générations d’étudiants. Depuis son arrivée à Montréal il y a 13 ans, il n’a cessé de poursuivre son rêve : constituer un ensemble musical qui joue de la musique traditionnelle roumaine en concordance parfaite avec les canons ethnologiques et folkloriques. Présentement, Nicolae Margineanu est le directeur artistique de l’orchestre “Les Virtuoses de Montréal ” dont il est fier, car cet ensemble compte seize musiciens chevronnés, ainsi que de talentueux solistes vocaux et instrumentaux. « Un tel orchestre complexe […] ne peut se retrouver qu’en Roumanie. Sur le continent américain, cet orchestre est unique. », nous déclare M. Margineanu. Son talent est inédit dans le paysage musical montréalais, car il valorise les mélodies populaires en construisant une nouvelle harmonie, en parfaite résonance avec son orchestre et ses interprètes. Son travail de création continue dans le domaine de la composition et de l’écriture; dernièrement il a réalisé la trame sonore pour le film « Golden Coin » de Cristiana Nicolae et il est en train de rédiger un ouvrage sur les techniques pour jouer au cymbalum.

Pour son prochain spectacle présenté le 3 mai à l’Auditorium Georges Vanier*, le directeur artistique Nicolae Margineanu a rassemblé un impressionnant nombre d’artistes de talent qui mettront en valeur le pittoresque et la diversité du folklore roumain. La collaboration avec l’ensemble de danses folkloriques HORA représente un projet tout à fait exceptionnel, car la joie des danses roumaines et l’intensité de la musique de cet orchestre offrirons un spectacle riche en émotions, en couleurs et en rythmes tant fougueux, tant mélancoliques. La beauté des costumes populaires et les chansons interprétées avec beaucoup de sensibilité, les sauts et les cris enjoués des danseurs fringants survolteront l’atmosphère et emporteront les spectateurs.

Je vous invite à connaître Nicolae Margineanu, le virtuose passionné de cymbalum, en parcourant cet entretien et surtout à travers sa musique et ses spectacles.

OTILIA TUNARU : Comment avez-vous commencé votre carrière de musicien?

NICOLAE MARGINEANU : Ma carrière de musicien a commencé vers l’âge de 6 ans, mon premier amour a été l’accordéon. Mon frère, professeur de français, était très passionné de toute sorte d’art dont la musique. Il avait un accordéon sur lequel je jouais en son absence. Après un certain temps, il a remarqué que les pièces qu’il étudiait, je les jouais aussi. Puis, il a commencé une activité artistique avec les jeunes de son village natal. Comme l’accordéon était trop grand pour moi, il m’a désigné… le cymbalum, et il m’a dit : « Écoute attentivement et joue avec nous. » Personne ne savait jouer de cet instrument pour m’enseigner. J’écoutais très attentivement les émissions qui passaient à la télé pour essayer de comprendre les techniques pour jouer. Nous ne pouvons pas vraiment parler d’un certain talent dans ces années (1960-1968).  Cependant, c’est cette activité qui m’a permis en 1968 de rentrer au collège de musique de Chisinau où j’ai enfin commencé à étudier la musique de façon scolaire.

O.T. : Vous jouez plusieurs instruments. Pourquoi le cymbalum est-t-il votre instrument préféré?

N.M. : J’ai toujours adoré cet instrument magique pour la liberté d’interprétation qu’il me donne. Cependant, son rôle est souvent d’improvisation; jouer au cymbalum c‘est une sorte de fantaisie harmonieuse où il faut respecter le tempo. Le musicien peut inventer et créer sa propre musique momentanément. En d’autres termes, le cymbalum c’est le cœur et le pouls d’un orchestre. Je peux vous dire que pour maîtriser cet instrument il faut travailler dur. Pour y jouer avec expression des pièces d’exception comme «Moonlight sonate» Sonate à la lune de L. W. Beethoven, il faut des années et des années d’études consacrées à la musique. Dans mon cas, après des dizaines d’années d’études, et presque 50 ans de pratique, les difficultés techniques ont disparu peu à peu.

O.T. : Dévoilez-nous quelques secrets sur cet instrument qui n’est pas très connu. 

N.M. : Premièrement, il faut souligner que l’effet sonore et le timbre du cymbalum dépendent de plusieurs facteurs. Les baguettes avec lesquelles on frappe les cordes sont recouvertes de coton. Elles peuvent être attachées, plus ou moins serrées ; cela a comme effet un son plus strident ou doux, selon le cas. Un musicien qui joue au cymbalum a habituellement jusqu'à 10 paires de baquettes différentes. Le son de cet instrument dépend aussi de l’emplacement où l’on frappe la corde. Au centre de la corde, le son sera très intense et expressif, contrairement au rebord. Il y a plusieurs autres moyens d’avoir des effets impressionnants comme le « Pizzicato » -ça veut dire gratter la corde avec l’ongle-, « Conlegnio » avec le revers de la baquette et « flagolete ». Donc, les possibilités techniques et d’expression du cymbalum sont vastes. De ce point de vue, le cymbalum est sans rival.

O.T. : Est-ce que vous avez transmis aux étudiants ce considérable apprentissage, accumulé à travers les années d’études et de pratique?

N.M. : Des étudiants au cymbalum, j’en ai en République Moldave. Le chef d’orchestre de l’Opéra Nationale de Moldavie et le chef d’orchestre de la philharmonique de Moldavie ont été mes étudiants. D’autres de mes étudiants jouent actuellement dans les plus prestigieux orchestres de l’Europe de l’Est.  Au Canada, je n’ai que des élèves de piano et d’orchestration.

O.T. : Vous êtes au Canada depuis maintenant 13 ans, cependant l’orchestre “Les Virtuoses de Montréal ”, n’existent que depuis un an. Est-ce que c’est le fruit d’un si long travail?

N.M. : Pour jouer de la musique traditionnelle roumaine, il n’est pas suffisant de bien savoir jouer de son instrument. Il est nécessaire d’être familiarisé avec les différentes zones de folklore roumain. Lors de mon arrivée au Canada, j’ai rencontré plusieurs musiciens amateurs. Nous avons tenté de constituer un groupe de musique traditionnelle, mais les possibilités professionnelles furent limitées. Il a fallu attendre plusieurs années pour que je trouve des musiciens professionnels avec des études musicales universitaires et des connaissances en ethnologie et folklore. Pour ces motifs, ce n’est que l’an dernier que j’ai réussi enfin à former un orchestre qui comprend tous les instruments traditionnels roumains.

O.T. : Est-ce que c’est difficile parfois de mettre d’accord tous ces professionnels qui ont une riche expérience?

N.M. : La grande majorité des musiciens de cet orchestre ont des études musicales universitaires; mais surtout, l’expérience de chacun est tout à fait impressionnante. Ils proviennent de zones géographiques et folkloriques différentes du vaste espace roumain. Ils ont tous des approches face à la musique qui sont correctes, mais parfois contradictoires. Il est vrai que les mettre d’accord c’est tout un travail, qui nécessite de la diplomatie et l’art de la communication.

O.T. : Qu’y a-t-il de spécifique à l’ensemble musical “Les Virtuoses de Montréal”?

N.M. : Le style académique que nous appliquons est spécifique à notre orchestre, nous ne jouons pas « à l’oreille ». Nous valorisons les mélodies populaires et ce travail artistique minutieux nous rend heureux. Le public nous fait toujours un accueil chaleureux; les gens apprécient, ils sont émus jusqu’aux larmes pendant nos concerts. Notre répertoire varié est majoritairement formé d’œuvres qui sont accessibles à un large auditoire. Le folklore authentique roumain constitue notre répertoire, et notre objectif est de faire connaître, à travers le monde, les mélodies et les traditions roumaines.

O.T. : Jouer dans un orchestre après les heures de travail, faire des pratiques dans le sous-sol de votre maison et organiser des spectacles, cela demande un grand effort. Y a t-il des perspectives qui s’ouvrent?

N.M. : Pour les années à venir, plusieurs spectacles sont prévus à Toronto, à Québec, à Ottawa et aux États-Unis. Nous sommes toujours ouverts à participer dans les festivals et dans d’autres évènements artistiques. L’un de nos objectifs les plus chers est d’aller jouer en Roumanie. Durant les pratiques, on accorde une importance particulière à l’expressivité musicale : les nuances, la phrase musicale, la sonorité. L’aspect négatif c’est que tous les musiciens travaillent ailleurs, et qu’il ne leur est pas possible d’être toujours présents aux répétitions.

O.T. : Vous avez participé à plusieurs grands évènements comme EUROfEST et vous vous préparez intensivement pour un spectacle assez complexe, de musique et de danses roumaines pour samedi le 3 mai à l’Auditorium Georges Vanier*…

N.M. : La participation de l’orchestre “Les Virtuoses de Montréal ” en mai 2007 à EUROfEST-Le Festival de l’Europe de l’Est fut très importante. Tout d’abord, nous avons participé à un évènement culturel de prestige. De plus,  nous avons fait la rencontre d’autres musiciens provenant de l’Europe de l’Est, et nous avons eu la surprise de connaitre des musiciens québécois qui jouent de la musique de l’Europe de l’Est. Ce sont des musiciens qui ont les mêmes aspirations que nous. Pour samedi le 3 mai, “Les Virtuoses de Montréal ” ont préparé un spectacle hors de l’ordinaire*. Il s’agit d’un spectacle comprenant mes créations. Nous avons préparé une très riche programmation : cinq solistes vocaux, six solistes instrumentistes, les danseurs du groupe HORA ainsi que l’orchestre composé de seize musiciens. Un tel orchestre complexe, qui joue de la de musique traditionnelle roumaine, ne peut se retrouver qu’en Roumanie. Sur le continent américain, cet orchestre est unique.

O.T. : Pensez-vous collaborer avec d’autres groupes comme HORA?

N.M. : Quant à la collaboration avec d’autres groupes, nous sommes chanceux. L’année passée, nous avons eu un spectacle avec l’orchestre symphonique de Drummondville et avec la troupe de danses chorégraphiques Makinaw. La collaboration avec l’Ensemble Folklorique Hora est spéciale, puisque nous formons ainsi une combinaison idéale. J’ai beaucoup de respect envers les danseurs de cet ensemble, et envers son directeur artistique, Florin Salajan. Ce qu’il a réussi à faire à travers les années est tout à fait impressionnant.

O.T. : En plus d’être musicien et chef d’orchestre, vous êtes aussi auteur-compositeur. Parlez-nous de cet aspect qui fait partie de votre personnalité artistique.

N.M. : Plusieurs de mes compositions sont incluses dans le répertoire de la philharmonique de la République Moldave et à la Radio-Télévision de Moldavie. Mes plus récentes œuvres de musique et des danses roumaines seront présentées à la soirée du 3 mai. Cependant, les pièces qui sont connues comme mélodies traditionnelles ont été réarrangés orchestralement.

O.T. : Vous avez écrit la musique pour le film « Golden Coin » de Cristiana Nicolae. Comment s’est passé cette expérience artistique?

N.M. : Le fait que j’aie rencontré Mme Cristiana Nicolae est un très beau hasard. Elle est extraordinairement talentueuse non seulement comme régisseur de film; elle fait de la musique et écrit aussi de la poésie. C’est pour cette raison que j’ai adoré collaborer avec elle et j’ai composé la trame musicale de son film « Golden Coin ». Écrire de la musique pour un film c’est beaucoup plus difficile que de composer l’esprit ouvert. La trame sonore doit exprimer toutes les émotions et l’intensité des actions qui y sont présentées. Si j’ai réussi cet exploit, c’est bien grâce à Cristiana, qui m’a guidé tout au long du travail.

O.T. : Vous investissez du temps pour écrire un ouvrage sur les techniques pour jouer au cymbalum. Qu’aimez-vous le plus, le côté théorique ou le côté pratique de la musique? En d'autres termes, préférez-vous jouer sur une grande scène ou écrire?

N.M. : Les deux facettes sont très importantes et j’essaie toujours d’équilibrer les deux côtés. Une partie de mes écrits tiennent de la période quand j’étais professeur d’art à Chisinau en « Typologie dans l’arrangement orchestral de musique traditionnelle roumaine ». Présentement je travaille sur une étude monographique sur le cymbalum. Les spectacles et les concerts, je ne les ai jamais abandonnés, même dans les pires situations. Les succès des prestations artistiques me donnent la confiance et m’inspirent dans mes écrits.

O.T. : J’ai eu l’occasion de connaître votre famille à travers les événements artistiques. J’en conclus que vous êtes une famille d’artistes…

N.M. : Ma femme Eugenia a fait des études universitaires en mise en scène. Je dois d’ailleurs une fière chandelle à mon épouse, mes réussites artistiques ont été possibles grâce à son appui inconditionnel. Nous travaillons ensemble pour faire le concept de chaque spectacle, souvent c’est elle qui fait la présentation et l’animation des événements. Il est important pour moi d’avoir son support, autant moralement que logistiquement. Nous avons deux beaux enfants, Dorian qui joue du violon et du piano et Cristian, qui joue du piano. Les deux sont également danseurs dans l’ensemble folklorique HORA. C’est pourquoi, dans le spectacle du 3 mai, toute ma famille est entièrement impliquée. Nous vous y attendrons avec grand plaisir.

      *Soirée de musique et danses roumaines

Les Virtuoses de Montréal ”, sous la baguette de Nicolae Margineanu, vous ont préparé un programme qui comprend des pièces de virtuosité instrumentale et orchestrale.

L’Ensemble de Danse folklorique HORA vous enchantera avec leurs danses et leurs costumes. Directeur artistique : Florin Salajan 

Samedi le 3 mai à 19 h 30

Auditorium Georges Vanier

1275 Jarry Est, Montréal, H2P 1W9

Billets disponibles à l’entrée ou sur réservation.

Admission: 20$.

Réservations: 514-961-5478, 514-497-9596

E-mail courriel: nicolaemar@yahoo.ca

-------------------------------------------------------------------------------------------------BIOGRAPHIE NICOLAE MARGINEANU

Né en Moldavie, la partie est de la Roumanie annexée par l’Union Soviétique, Nicolae Margineanu a étudié la musique au collège et au Conservatoire de Kichinau. Il joue avec virtuosité au cymbalum, un des plus anciens instruments de musique. Il continue ses études en tant que doctorant au Conservatoire Gh. Dima de Cluj, en Roumanie, en musicologie.

Il a joué avec des formations prestigieuses, telle que l’orchestre philarmonique de Chisinau, a été chef d’orchestre pour la formation folklorique “Ciocârlia” et a enseigné au Conservatoire de Chisinau.

Compositeur, il a collaboré pour la  musique de film avec les studios Mosfilm, de Moscou. Sa musique a été diffusé à la radio, en Union Soviétique.

Interprète, il a joué avec l’orchestre symphonique de Drummondville(Canada) et a écrit et publié des nombreuses études sur l’enseignement du cymbalum et de sa place dans le folklore roumain.

Nicolae Margineanu vit à Montréal où il dirige la formation qu’il a fondé “Les Virtuoses de Montréal”.

***

Born in Moldova, the East part of Romania, he studied at the Music College and then at the Music Conservatory in Chisinau. Interpreter of one of the oldest instruments (cymbalo) and conductor, he continued his studies in music at the Gh. Dima conservatory, in Cluj, Romania.

He played in prestigious orchestras such as the Filarmonic Orchestra from Chisinau, he was the conductor of “Ciocarlia” folk music group and teacher at the University of Chisinau.

Composer of numerous music works , broadcast in Moldova as well as in former Soviet Union, Nicolae Margineanu, known also for his collaborations with Mosfilm orchestra (UdSSR) and Drummondville symphonic orchestra (Canada), published numerous studies for cymbalo teaching and its place in the Romanian folk music repertory.

He is currently the founder and conductor of “Les Virtuoses de Montreal”.

Avril 2008

Cît costă un „triplu Lutz”?

Interviu cu Sabina Măriuţă, campioana naţională a României la patinaj artistic, la categoria junioare

Florin Oncescu

Gilles  Valiquette

Sabina a obţiut titlul la început de ianuarie, la Bucureşti. Are 13 ani şi locuieşte la Montréal, unde a venit acum 8 ani, cu părinţii şi fratele ei, de la Iaşi. Cristache Mitrea, secretarul general al Federaţiei române de patinaj, a declarat pentru Rompres că o consideră ''o speranţă pentru patinajul românesc''. Eu nu sînt cronicar sportiv şi n-am patinat decît cîteva zile, pe cînd aveam 7 ani, la Craiova, printre blocuri, experienţă amară, în urma căreia m-am ales cu un braţ fracturat. Numai nedreapta lipsă de vizibilitate a performanţelor excepţionale ale acestei fetiţe m-a îndemnat să pun mîna pe laptop şi să-i adresez, prin e-mail, cîteva întrebări. Am adăugat cîteva şi pentru mama Sabinei, Carmen Măriuţă, managerul de facto al talentatei patinatoare.  

Florin Oncescu: Dragă Sabina, cînd şi unde ai pus pentru prima oară patinele în picioare? Cînd şi unde ai intrat în patinajul de competiţie?  

Sabina Măriuţă: Am început să patinez la Montréal, în septembrie 2001, cînd aveam 6 ani şi jumătate. Am început la categoria Patinaj Plus. După 2 luni, am fost selecţionată să particip la prima competiţie, una destinată celor mai mici patinatori. În ianuarie 2002 am schimbat patinajul de „loisir” pentru patinaj competitiv şi am început să mă antrenez în privat. 

F.O.: Care sînt cele mai bune rezultate obținute de tine în Canada? 

S.M.: Anul 2007 – 2008 mi-a adus cele mai mari satisfacţii. La toate cele 8 competiţii la care am participat am urcat pe podium, iar la 7 dintre ele am luat locul întii.  

F.O.: Înţeleg că ai inclus aici şi obţinerea titlului de campioană naţională a României la junioare, la Bucureşti, la începutul lunii ianuarie.  Cînd ai început să participi la competiţii în România?  

S.M.: În 2006 am mers pentru prima oară la campionatul naţional şi am patinat în afara concursului. În 2007 am patinat pentru prima oară la categoria junioare. Eram sub vîrsta minimă impusă, aveam 11 ani, dar la intern nu te opreşte nimeni să patinezi mai sus decît vîrsta ta. Am terminat pe locul 5. A treia participare, cea de anul acesta, mi-a adus titlul naţional.  

F.O.: Care sînt obiectivele tale de patinatoare pentru toamna şi iarna care urmează?  

S.M.: Acum mă antrenez pentru participări la două „Grand Prix Junior”, în septembrie- octombrie, în Europa. De curînd, vineri 11 aprilie, am fost invitată, ca deţinătoare a titlului de campionă naţională a României, sa patinez două „solo” în cadrul unui spectacol de patinaj în Ville Lassale. Am prezentat pentru prima oară în public primul meu triplu salt „triplu salcow”, în afara celor două „dublu axel”. Obiectivul meu este sa merg la Mondialele de juniori din februarie 2009 cu cel puţin două triplu-salturi. Sînt pe cale sa-l perfecţionez pe al doilea şi mă gândesc chiar la posibilitatea de a pregăti un al treilea, un „triplu Lutz”, care este şi cel mai greu. 

F.O.: Cum arată programul tău, întro zi normală din săptămână? Dar întruna de week-end? 

S.M.: Mă scol la 5:20 a.m. şi mă pregătesc de şcoală, la 6:15 urc în autobuzul şcolar, la 1:45 p.m. ajung la arenă, iar între 2:00 şi 6:15 sînt pe gheaţă. La 6:45 ajung acasă, mănînc şi îmi fac temele. La 8:15 îmi fac programul de 15 minute de întinderi şi mobilitate, apoi mă culc. A doua zi o iau de la capăt. În week-end am program mai lejer. Nu patinez, dar lucrez „hors glace” pentru tehnică de sărit şi detentă, cu mama mea, cam o ora pe zi.  

F.O.: Ce şcoală urmezi? Care este numele antrenorului tău „pe gheaţă”? 

S.M.: Sînt elevă la Collège Charles Lemoyne, la profilul sport - étude. Antrenori am mai mulţi. Maryse Gauthier şi Cathia Guseppe la stil liber, Chantal Lefebvre la coregrafie şi Shawn, la tehnică pentru triplu. 

F.O.: Dacă ai avea timp mai mult, ce ai face cu el? 

S.M.: Prea mult timp liber nu am, dar îmi place enorm ceea ce fac, aşa că sînt mulţumită. 

F.O.: O primă întrebare pentru doamna Carmen Măriuţă, mama Sabinei. Am aflat din presă că Sabina nu a putut să reprezinte România la Mondialele de juniori din 2008, desfăşurate la Sofia, în perioada 25 februarie – 2 martie, datorită vîrstei. Care este această limită de vîrstă şi cînd o va îndeplini Sabina? 

Carmen Măriuţă: Sabina a împlinit 13 ani în februarie. Cînd a cîştigat titlul naţional avea 12 ani şi 11 luni. Regulamentul spune că vîrsta de participare la Juniori fete este 13-19 ani. Pentru participarea la competiţiile mondiale de juniori din iarna care a trecut, Sabina trebuia sa aibă împlinită vîrsta de 13 ani la începutul anului competiţional 2007-2008, adică la 1 iulie 2007. Sabina avea atunci doar 12 ani. Însă în 2008-2009 are oficial dreptul să participe la Grand Prix Junior şi la Mondiale Junior 2009. Din păcate, tot din cauza vîrstei, Sabina nu va avea dreptul să participe la următoarele Jocuri Olimpice din 2010, pentru că nu va avea 16 ani înainte de 1 iulie 2009. Dar ar putea avea şansa ei în 2014, cînd sperăm că va fi o mîndrie pentru România. 

F.O.: Pentru a avea rezultate bune la patinaj, ne-aţi spus, nu sînt suficiente talentul, dăruirea şi munca. Care sînt cheltuielile familiei cu pregătirea pentru competiţii a Sabinei? 

C.M.: La ora actuală, antrenoarele de stil liber şi coregrafa ne costă, împreună, între 600 şi 700$ pe lună. Se mai adaugă accesul la patinoar, „gheaţa”, cam 2600$ pe an. Apoi o pereche de patine pe an, cam 1200 $, şi tot restul echipamentului. Apoi deplasarea în România, la Naţionale, cu toată cheltuiala de acolo (pentru Sabina şi antrenoarea ei, minimum 4500$). Cei de la Federaţie au spus că la Naţionale nu pot să plăteasca deplasarea, pentru că se presupune că la nivel intern sportivii trebuie să fie deplasaţi de clubul de apartenenţă. Clubul de apartenenţă al Sabinei, din Miercurea-Ciuc, are posibilităţi financiare reduse. Antrenoarea de acolo, Maria Leofer, i-a dat Sabinei ca premiu, în ianuarie, 200$ US din partea clubului. Nu sînt bani mulţi, dar Sabina a apreciat enorm gestul. 

F.O.: Cum face faţă acestor cheltuieli o patinatoare din Canada care ajunge să reprezinte Canada în competiţii internaţionale? Dar o patinatoare din România care reprezintă România?  

C.M.: O patinatoare care reprezintă Canada, care este deci în lotul naţional, obţine de la Federaţia Canadiană minimum 1000 $ pe lună sub formă de bursă, are acces gratuit la gheaţă, are patinele sponsorate (va ajunge să schimbe şi două perechi pe an), are, la nevoie, tratamente chiro şi fizio, are psiholog sportiv, pentru că stresul de competiţie face ravagii de multe ori. Despre ce oferă Federaţia Română nu ştiu nimic concret, deocamdată. Dupa cum v-am spus, la Naţionale, Sabina şi antrenoarea ei se deplasează pe banii familiei, deocamdată. Vom vedea mai tîrziu. Au spus că, în funcţie de rezultatele Sabinei, vor căuta o modalitate sa-i ofere o bursă care să acopere măcar jumătate din cheltuieli, pentru început. Deplasările la Grand Prix şi Mondiale banuiesc că sînt acoperite de către Federaţie (pentru că altfel noi nu putem să facem faţă). Chiar aşa fiind, fără o bursă tot noi trebuie să plătim onorariul de deplasare al antrenoarei, de 1000$ pentru o competiţie internatională, pentru că ea trebuie să aibă salariul asigurat şi cînd este plecată. Ce să vă spun, e greu de făcut o comparaţie între Canada şi România. Un patinator, în România, se antrenează gratis, numai să vrea să se antreneze, pentru că antrenorii sînt plătiţi de Federaţie, iar gheaţa e FREE.

Aşa că, pînă la Grand Prix şi Mondiale, cînd se va vedea evoluţia Sabinei, noi părinţii vom continua aceeaşi luptă de zi cu zi ca sa-i putem asigura antrenamentele, cu speranţa că poate într-o bună zi nu vom fi doar noi cei mai mari fani şi sponsori ai ei, se vor mai alătura şi alţii.  

F.O.: În situaţia particulară a Sabinei, cu pregătirea făcută în Canada pentru competiţii în care reprezintă România, care ar putea fi profilul normal al sponsorilor? Canadienii de orice fel? Românii din Canada? Românii de oriunde?  

C.M.: Oricine este binevenit. Evidenţa cheltuirii banilor dintr-o eventuală sponsorizare este uşor de făcut, eu primesc săptămînal, sau o dată la două săptămîni, facturi oficiale de la antrenori, pe care le plătesc tot oficial, cu cec din contul personal, deci este foarte simplu de ţinut o contabilitate.

Dacă cineva vrea să o cunoască pe Sabina şi vrea să afle mai multe depre munca ei, despre supărarea ei cînd abordează un element nou care nu-i iese, despre bucuria ei cînd reuşeşte adevărate peformanţe, noi două sîntem zilnic la arena „4 Glaces” din Brossard (boul. Tascherau), de la 2:00 p.m. la 6:15 p.m. De exemplu, zilele trecute m-am întrebat cum aş putea face ca Sabina sa-l cunoască pe Lucian Bute şi să-i poată povesti despre pasiunea ei pentru sport şi depre proiectele ei de viitor... Poate iese o frumoasă „colaborare” din acest dialog. Sabina este un copil care iubeşte cu adevărat sportul pe care-l practică (în ciuda faptului că este totuşi un sport dureros), are mult potenţial şi este de o perseverenţă demnă de luat ca exemplu. Nu în ultimul rînd, are rezultate foarte bune şi la şcoală, este o luptatoare pe toate planurile. Sper că toată munca ei va fi rasplatită în viitor. Mă gîndesc în primul rînd la prima ei participare la Mondiale de juniori, cele din 2009, unde şi-a propus ca obiectiv calificarea în finale (primele 24). Mă gîndesc şi la dorinţa ei ca în anii urmatori să se claseze printre primele 10 patinatoare din lume. E greu să lupţi cu japonezele şi cu americancele, dar nu-i imposibil. 

F.O.: Succese Sabinei, pe gheaţă! şi sper, alături de părinţii ei, că sponsorii nu se vor lăsa prea mult aşteptaţi.

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