Je
ferme les yeux et mes doigts vagabondent
Sur
ce vieux clavier blanc aux touches poussiéreuses.
La
douce mélodie des notes improvisées,
De
ce piano libre qui m’invente des gammes
Amène
mon esprit loin des choses de ce monde.
Les
yeux clos je peux voir.
Sur
la douce mélodie des mots
S’écrit
une histoire.
Les
gammes sont tantôt
Le
chemin des vagues avant d’atteindre la côte,
Tantôt
le chuchotement d’une chute,
Le
chant doux d’un oiseau, paroles poétiques
De
la nature resplendissante.
Je
ferme les yeux et je vois.
Je
vois un écran de pétales roses choir
D’arbres
en fleurs au-dessus d’un lac glacé
Qu’une
brise fait doucement frissonner
A la
rosée du matin. Devant moi s’étend
L’horizon
d’Aton et les tombeaux des rois
Flamboyants
sous le soleil ardent de la vieille Égypte;
Devant
moi s’ouvre un pont jusqu’aux îles des Antilles
Où
l’océan a la couleur turquoise
De
la plus belle des émeraudes, et où les tropiques
Magnifiques
accueillent les naufragés.
Je
vois des fauves d’Afrique courir
Dans
la savane, et la fumée d’une flamme
S’élever
dans l’air frais de la nuit
Dans
le campement d’un voyageur solitaire.
Je
vois un océan aux couleurs merveilleuses
Des
poissons exotiques, aux rencontres dangereuses
Des
arpenteurs des mers, le requin roi des eaux
Comme
le lion est roi de la savane.
Je
vois des monarques, ces papillons oranges
Aux
grandes ailes délicates, emportés par le vent
Venir
se poser sur la tête d’un dragon
Immobile
paressant au soleil.
Je
vois un crépuscule sur Rio
Où
soudain s’allument en même temps cent mille lumières.
Je
vois un oasis de verdure, seul point d’eau
Dans
le désert après un long voyage.
C’est
une histoire,
Chaque
note est un mot, chaque accord une phrase,
Chaque
refrain l’insistance des vers
Dans
une poésie. Mais en ouvrant les yeux,
Je
ne vois plus. Mes doigts quittent le piano
En
laissant une longue traînée rouge –les touches poussiéreuses
Sont
marquées à jamais par l’histoire qui y a laissé son empreinte.
Miruna Tarcau, juin
2007