Ce poème est pour ma mère,

Ou plutôt pour son anniversaire.

 

L’horloge du village

 

Qu’est ce qu’un rêve?

Est-ce une trêve?

Ce peut être plus doux que du miel,

On peut même se sentir au ciel.

Mais de là à se dire au paradis,

Ce serait exagérer, pardi!

Voilà ma preuve, c’est une nuit.

Personne ne sait à qui elle nuit.

Elle peut se faufiler dans chaque paradis,

Elle peut s’approprier les rêves d’autrui.

Comme un diable, mais ce n’est qu’une ombre,

Comme chaque peur croissante qui devient plus sombre,

Elle avance.

Elle coule sur les heures comme un forçat compte les secondes,

Elle transforme une forêt en amas de ronces,

Elle excite comme un fermier qui attend qu’on ponde,

C’est un meurtrier de souhaits,

Pourtant aussi joli qu’une baie!

Car chaque rêve est trompeur

Pour un innocent de rêveur.

 

Elle attaque après minuit.

Car elle peut y arriver sans bruits.

Les rêves arrivent sans prévenir,

Doucement après qu’ait coulé la cire

De la chandelle, du réveil.

C’est alors qu’on plonge dans le sommeil.

Ding! Ding! Sonnent les cloches de une heure.

Attention! Attention! S’écoulent les minutes de bonheur!

L’ombre arrive, elle va et vient!

Elle cherche, elle cherche et ne trouve rien!

Les portes du cauchemar sont déjà fermées!

Car voilà, le coq du rêve a encore chanté!

Maintenant se couchent les fermiers,

Même tous les beaux aventuriers!

Oyez, oyez! Braves gens et gentes dames!

Quasimodo a sonné les cloches de Notre-dame!

Levez-vous, paresseux de dormeurs!

Levez-vous, tout en sueur!

Mais ils dorment, ma parole!

Et voilà qu’ils se la jouent molle!

Laissons-les dans leur trou de sommeil

Perdu comme une noire corbeille.

 

Ding! Ding! Sonnent les cloches de deux heures!

L’ombre vous fait dire qu’elle n’a pas de cœur!

Jamais elle n’aura pitié de vous!

Avec une hache, elle vous tranchera le cou!

Avec un requin, elle vous coupera en morceaux!

Avec un couteau, elle fera de vous des lambeaux!

Et avec un monstre, elle vous mangera!

Préparez-vous à faire des cauchemars bien bas!

Écoutez mes sages paroles,

Dignes d’un ange avec une auréole!

Prenez au sérieux ses folles menaces!

Vite! Vite! Avant que quelque chose ne casse!

Elle vous effacera tout, sans laisser de traces!

Et quand vous reviendrez, vous serez bien las!

 

Ding! Ding! Sonnent les cloches de trois heures!

On commence à s’agiter, à ce que je vois, bien de bonne heure!

Vous ne souriez plus, vous vous tordez de peur!

Bien fait pour vous, mes chers petits rêveurs!

Les premières familles montrent signe de vie,

Avec tous ces bébés qui pleurent, qui crient!

Pourquoi, à votre avis, se réveillent-ils en pleine nuit?

C’est qu’aux menaces et à l’ombre, ils n’ont jamais dit oui!

Et voilà que toutes les frères, les sœurs,

Que tous les hommes sortant de leur torpeur,

Se plaignent de revenir à la réalité,

Alors restent encore sur leurs oreillers.

 

Ding! Ding! Sonnent les cloches de quatre heures!

Bientôt, dans une heure, sera finie toute l’horreur!

Jamais, rien, ni personne ne pourra l’arrêter,

Sauf peut-être le cœur, l’honneur et la liberté!

Pourquoi sommeillent encore tous ces enfants?

L’école commencera, je vous ne dirai pas quand!

C’est ça, vivre dans le monde normal,

Ce n’est pas comme tout ce rêve astral…

Encore ce rêve! Encore ce soir!

Que la nuit est longue quand on broie du noir !

 

Ding! Ding! Sonnent les cloches de cinq heures!

Hourra! Hourra! Vient le soleil, quel bonheur!

Voilà que se lèvent les mamans,

Les papas et tous les cœurs vaillants!

Les oiseaux chantent, les fleurs éclosent!

Ça y est, les portes du cauchemar sont closes!